N’oublie rien en chemin – Anne-Sophie Moszkowicz

Anne-Sophie Moszkowicz - N'oublie rien en chemin (2017)

Anne-Sophie Moszkowicz – N’oublie rien en chemin (2017)

4ème de couv’…

À la mort de sa grand-mère qu’elle adorait, Sandra, quarante ans, se voit remettre des lettres et des carnets de son aïeule.

Rivka y livre un témoignage poignant sur sa jeunesse dans le Paris de l’Occupation, les rafles, la terreur, le chaos.
Mais il y a plus.
Par-delà la mort, la vieille femme demande à sa petite-fille d’accomplir une mission.

Une mission qui obligera Sandra à retourner à Paris, ville maudite, sur les traces de son amour de jeunesse, Alexandre.
Un homme étrange, hypnotique et manipulateur dont Sandra ne pensait plus jamais croiser la route…

Pour elle, l’heure est venue d’affronter ses démons.

Mon ressenti de lecture…

Je remercie tout d’abord NetGalley et les éditions Les escales pour l’envoi de ce roman!
Pour ceux qui me connaissent, glisser une allusion à la Seconde Guerre Mondiale et paf, je saute dessus! C’est un réflexe pavlovien sûrement!

C’est un roman très court mais intense dans le témoignage pudique d’une femme juive qui a échappé à la mort, a perdu des êtres chers, s’est vu spoliée de ses biens mais qui, pourtant, a toujours gardé le sourire, la joie et l’optimisme de la vie.
Mais Rivka n’est plus. Et c’est à travers ses carnets de Moleskine, qu’elle veut transmettre à sa petite-fille, Sandra, ce qu’elle a tu toute sa vie.
Sandra ne le sait pas encore mais elle est liée à sa grand-mère de bien des manières…

C’est un roman poignant, tout en pudeur et émotions. Cette histoire aborde bien des sujets. Bien entendu, c’est avant tout les épreuves que Rivka a enduré durant la Seconde Guerre Mondiale du simple fait d’être née juive.
Mais c’est aussi l’après, le besoin de témoigner, de laisser une trace pour les victimes de la barbarie nazie car les générations qui suivent en portent toujours le poids, par les paroles mais aussi, souvent, par les non-dits qui posent une chape de plomb sur des familles entières.
C’est le devoir de mémoire dont nous avons tous la charge. Dans l’espoir que certaines horreurs ne se reproduisent jamais mais aussi en l’honneur des souffrances et des sacrifices des êtres humains ayant vécu ses événements.
La grande Histoire est une affaire de dates, de titres et de chiffres mais elle est faite d’individualités, des histoires de chacun, qui ne stoppent pas le jour de l’armistice. Il y a les blessures qui doivent cicatriser, des traumatismes qui marquent à jamais, des vies à reconstruire. La guerre est une ombre qui traîne son fardeau bien des années après le silence des armes.

Pour Sandra, retourner à Paris, sur les traces de son amour de jeunesse est une épreuve car l’incompréhension de sa rupture est demeurée intacte jusqu’à la lecture des Moleskine. Et là, c’est le thème des regrets et des remords qui fleurit, le souvenir parfois fantasmé de certaines amours qui nous accompagne toute notre existence. Et parfois, il est nécessaire, même des dizaines d’années après, d’affronter ce passé pour enfin laisser ce bagage sur le bas-côté de notre route, remettre les souvenirs à leur véritable place.

Pour Alexandre, c’est un autre poids qui pèse sur ses épaules. Celui d’être l’héritier bien malgré lui d’une histoire familiale nauséabonde. Est-on responsable du péché de nos pères? Peut-on s’amender d’une faute commise par un autre que soi? L’histoire d’Alexandre est tout aussi touchante que celle de Rivka mais quand elle, a trouvé une certaine paix, cela ne semble pas être le cas d’Alexandre.

 C’est un roman sur l’absence aussi, le vide laissé par un être cher qui s’en va. La mort d’un être jeune nous attriste en particulier pour tout ce qu’il n’a pas eu le temps de vivre. Mais lorsque c’est un parent plus âgé, c’est cette existence bien remplie qui reste souvent un mystère qui pèse sur notre douleur. Si l’affection dans notre cœur prolonge un peu la vie de celui qui n’est plus, ce sont des pans du passé qui disparaissent à jamais.

Ce roman est un joyau de tendresse, de douceur et d’émotions, un retour sur le passé et sur la mémoire, collective ou individuelle mais c’est surtout une leçon de vie:
« (…) n’oublie rien en chemin, ni remords ni regrets. »

Citations…

« De quoi sommes-nous coupables? D’être Juifs. Oui, nous le sommes malgré nous. La lignée de nos aïeux nous a faits juifs. Les millénaires ont couru jusqu’à nous et nous sommes nés juifs. Qu’y pouvons-nous? N’est-ce pas aussi idiot d’accuser des Juifs d’être juifs que d’accuser des humains d’être humains, le ciel d’être bleu, l’herbe d’être verte? »

« La mémoire est un terrain vertigineux et quand l’individuelle flanche, la collective prend le relais. Il le faudra bien. Sans ça, ils nous tueront une seconde fois. »

« Nous ne parlons jamais de ces années sombres. A quoi bon? Personne ne veut de nos souvenirs, de toute façon. »

« Je comprenais. Se consacrer à l’organisation du rituel pour faire taire la douleur trop vive d’être si neuve. Occuper l’esprit avec la technique quand les sentiments sont à fleur de peau. »

« À cette époque, je vivais encore dans les rêves. Je me fabriquais des destins que je laissais traîner dans le champ des possibles. Je les regardais s’entre-tuer. Lequel survivrait? Lequel réussirait à s’emparer de ma vie pour de bon? J’avais cru pouvoir tout maîtriser dans ce théâtre factice dont je m’imaginais le seul metteur en scène. Je n’avais pas deviné la véritable intrigue qui se tramait en coulisse. Tout cela n’avait été finalement qu’un épais écran de fumée. Et il était l’heure, à présent, de jeter un œil derrière le rideau. »

« Tu t’imaginais peut-être pouvoir faire parler les images? C’est là tout le trouble des photos anciennes. On ressent une telle proximité à toucher ces papiers buvards du temps. Et pourtant ils ne sont rien que des bouts de papier sans vie, désincarnés, contre lesquels les questions ricochent à l’infini. On ne peut rien en tirer. Les photographies sont des traîtresses qui laissent tout espérer mais gardent tout pour elles. Elles figent les intrigues sans laisser la moindre chance de les libérer un jour. »

« (…) n’oublie rien en chemin, ni remords ni regrets. »

« Peut-on briser en un instant un silence de vingt ans? Peut-on demander des comptes aux souvenirs ? Tant de choses restent irrésolues, suspendues à l’infini, sans jamais être dénouées. Tant d’imprécisions, laissant des inquiétudes diffuses à l’horizon. Peut-être est-ce mieux ainsi? »

« Il arrive parfois que quelque chose te suive tout au long du chemin et tu as beau essayer de faire la sourde oreille, tu as beau dévier les itinéraires, cette chose-là se remet indéfiniment sur ta route, comme si la vie répondait par ces pieds de nez à notre indocilité. »

« La vérité, on aime croire qu’on peut la posséder, mais on ne dispose jamais que des bribes, des miettes, des lambeaux opaques et factices (…) »

« Beaucoup croient que le pire a eu lieu pendant la guerre. C’est sans doute vrai. Mais l’enfer se poursuivait souvent bien après la fin de la traque. Il fallait rentrer. Où? Retrouver sa famille. Quelle famille? Reconstruire une vie. Que signifiait ce mot? Il fallait tout réapprendre, tout reprendre à zéro, les poches vides, les familles décimées et le cœur en morceaux. Le retour offrait bien des mauvaises surprises, et même si les ressources étaient depuis longtemps épuisées, on n’avait jamais fini d’être un survivant. Plus encore, il fallait revenir parmi eux, eux les traîtres, les indifférents, les complices, ceux qui avaient simplement eu peur, ceux qui avaient fermé les yeux et serré les dents. Pouvait-on les blâmer pour ça? Il est des moments de l’Histoire où tout mériterait de disparaître sous terre. »

« On ne saura jamais. La vie nous porte, nous trimbale d’un versant à l’autre de la montagne et ce n’est qu’à la fin, arrivé au sommet, qu’on peut avoir une vue d’ensemble et en apprécier le parcours. »

« Tous ces événements ont été si graves, si laids, qu’il était de toute façon impossible de les relâcher à l’air libre. Raconter les aurait fait vivre une seconde fois, ils se seraient démultipliés. Autant les coucher sur le papier et les enfermer dans les pages d’un carnet, verrouiller le tiroir à double tour. »

Note: 4/5

Blog Note 4

20 réflexions au sujet de « N’oublie rien en chemin – Anne-Sophie Moszkowicz »

      • On pourrait faire un effort et te refourguer la boite entière, mais attention, pas contre un job ou des articles fictifs ! 😉

      • Naaan, je suis dans une période d’hyperactivité et je te promets que je vais mériter chaque choco de la boiboîte! Tout, tout, tout pour le choco! :p

      • Alors je t’envoie une caisse remplie, c’est ça ?? Du noir ou du chocolat au lait ? Fourré ou pas ? mdr

        Je vais entrer aussi en période d’hyperactivité en juin avec le mois anglais qui se profile. Là, je prépare déjà mes fiches « vierges » pour gagner du temps et je rassemble toutes mes petites images ! PTDR

      • Si possible au lait avec des noisettes! :p Ooohh tu es prévoyante! Perso, c’est pour le récap’ mensuel que je devrais préparer au fur et à mesure mais… j’arrive toujours à la fin du mois avec tout à faire! -_-

      • Oh, depuis le temps que je dis que je vais faire mon récap au fur et à mesure… et tu te doutes que j’attends le dernier moment…

        Au lait fourré praliné, pour ma part…

        Pas toujours prévoyante, je dois dire… 😉

      • Bon, cache ton fourré au praliné parce que j’adore aussi! 😮
        Bin, je suis rassurée de ne pas être la seule à attendre le dernier moment! O:)

      • Nous sommes légions à tout faire au dernier moment ! La procrastination est reconnue ! ;))

        Je l’ai mis en bouche, mon chocolat, comme ça, pas de risque de vol !

      • Ce n’est pas tant la procrastination que l’ordre des priorités qui change sans cesse: préparer la récap’ mensuelle en tête… allez, je démarre… oups, non, un ressenti de lecture dépasse le cheval de tête et… ouiiiii, il remporte la victoire! La récap’ sera pour plus tard! 😀

      • Moi, j’ouvre le tableau de bord pour faire ma chronique, je vais chercher les images et puis bardaf, je suis partie sur autre chose et j’oublie que je venais là pour écrire une chronique… je devrais bosser sur mes priorités aussi et ne pas me laisser distraire !

      • La distraction a du bon aussi quand tu tombes sur autre chose d’intéressant… mais ça ne fait pas avancer le boulot de base! -_-

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