L’abbaye blanche – Laurent Malot

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Laurent Malot – L’abbaye blanche (2016)

4ème de couv’…

Amour, meurtres et conspiration: une recette de la manipulation.

À Nantua, dans le Jura, le lieutenant Gange élève seul sa fille de six ans. Gaëlle, sa femme, les a quittés sans donner de raison.

Quand deux meurtres se produisent la même semaine dans ce coin du Jura où il ne se passe « jamais rien », Gange est entraîné dans une enquête explosive. Il s’oriente peu à peu vers l’Abbaye blanche, une secte particulièrement dangereuse, en cheville avec des notables locaux. Entre trafic d’art, âmes perdues et intervenants haut placés dans l’appareil d’État, il démêle peu à peu les fils et prend la mesure de l’iceberg qui se dresse devant lui. Les enjeux le dépassent, mais sa femme est peut-être victime de l’Abbaye blanche…

Mon ressenti de lecture…

Alors que tout démarre par une enquête classique sur un meurtre… puis deux et un troisième, le Lieutenant Mathieu Gange soupçonne rapidement un lien entre ces morts dans une région jurassienne où il ne se passe jamais rien, à ses dires.

A fortiori quand une journaliste qui n’a pas froid aux yeux, Héléna Medj, semble en savoir davantage que lui et le nargue pour son ignorance!
Entre soif du scoop et recherche de la vérité, sera-t-elle une alliée précieuse pour le Lieutenant Mathieu Gange, hanté par le départ soudain et sans explication de son épouse, Gaëlle, qu’il soupçonne de tenir un rôle dans son affaire?

Au fil des découvertes, Gange voit se réduire le nombre des personnes de confiance et augmenter les dangers qui s’abattent sur lui et son équipe. Son collègue Etienne lui reste fidèle ainsi que la juge Carole Harlan, malgré les barrages qui se dressent également sur sa route.

Cette équipe réduite arrivera-t-elle à vaincre les ennemis, d’où qu’ils viennent?

D’ordinaire, je ne suis pas super fan de polars… Entre enquête classique de policiers à la gouaille un brin vulgaire, souvent dépressifs et alcoolo, et leurs chamailleries avec l’organe judiciaire, leur mépris de l’homme de la rue, ils m’ennuient…

Alors une fois ce roman terminé, je me suis interrogée sur mon enthousiasme inattendu pour un polar! Et bingo, j’ai trouvé! Heureusement d’ailleurs car me contenter de dire que j’ai aimé cette lecture ne va pas vous titiller de beaucoup!

Avec l’Abbaye blanche, l’auteur a su insuffler une dynamique et une réflexion différentes, entre roman noir dressant un portrait pessimiste mais lucide de nos administrations publiques et dirigeantes et une enquête à 100 à l’heure, avec des scènes d’action prenantes, le lecteur reste scotché de la 1ère à la dernière page!

Les méchants ne sont pas seulement les autres, là-bas, en bas, à l’extérieur, ils sont intrinsèques au système dont notre équipe d’enquêteurs fait partie: ce sont des politiques, des magistrats, des militaires. Ce sont ceux qui sont censés être garants de notre probité et notre sécurité.
Et quand les sphères d’influence jouent de leurs accointances dans le milieu sectaire, les relations deviennent opaques et complexes. Qui tire les ficelles? Qui dirige qui? Qui prend les initiatives qui mènent un estimé collègue de Gange au bord de la tombe? Qui est réellement responsable des meurtres commis?

Enfin des portraits d’hommes et de femmes loin de la frilosité, du confort de leur bureau, de leur résignation molle ou de leurs ambitions égotiques et aveugles!
Là, ils défient leur hiérarchie, suivent leurs propres règles quand celles établies apparaissent contraires à la justice et la morale, abandonnent toute idée de carrière proprette pour la prise de risques, le risque d’y perdre même leur vie.
Qu’importe les machinations, les intimidations et les pressions d’aussi haut qu’elles tombent, flic, magistrat et journaliste vont aller jusqu’au bout. Et diantre, en ces heures sombres de notre histoire où le simple citoyen ne sait plus en qui croire et faire confiance, où chaque jour nous révèle de nouvelles malversations de nos instances dirigeantes qui seront étouffées et jamais punies, ce genre de combativité est un souffle d’air pur!

Mais ne croyez pas que ce roman est un conte de fées! Loin de là!
Nous, lecteurs, seront les témoins privilégiés de ce scandale d’État et des rouages du trafic crapuleux et meurtrier mis à jour par le Lieutenant Gange et son équipe, mais l’affaire ne sera-t-elle pas, au bout du compte, étouffée et tue au grand public? Car le filet de la justice est souvent très lâche pour les puissants…
Ce polar nous met face à notre propre société et nos rapports faussés d’avec nos dirigeants. Quelques bonnes volontés ne viendront jamais à bout d’une criminalité organisée, en cols blancs, dont les ramifications sont autant de métastases d’un cancer sociétal incurable…
Mais doit-on pour autant abandonner?
Le Lieutenant Gange, Héléna, la juge Harlan, devront-ils abandonner, vaincus par une impuissance manifeste, ou entreprendre « la même tâche, simple et immense à la fois: repartir de zéro. »?

L’espoir est donc permis pour de futures enquêtes, non?!?

Juste un mot sur le style de Laurent Malot: une plume maîtrisée, directe, vive et incisive. Les arcanes du pouvoir, les ramifications du trafic et le domaine sectaire sont très finement analysés et documentés. Le suspens est omniprésent et quelques mises au point sur l’enquête permettent habilement de ne pas perdre le lecteur dans la complexité des associations de personnes, entre donneurs d’ordres et exécutants.

En conclusion, une belle découverte et un coup de cœur… fichtre… pour un polar!
Un auteur que je vais assurément suivre!

Je remercie vivement Les Éditions Bragelonne, et notamment Lilas Seewald, pour leur confiance!

Citations…

« Le lion a tué, les hyènes accourent? »

« Je milite contre la censure de la presse. La vérité est dégueulasse, que les gens dégueulent! »

« Objectif à peine voilé des grandes villes: éloigner la pauvreté du centre pour en faire une vitrine de la réussite politique. Retour au Moyen Âge, les manants bâtissant leur village autour du château du vicomte. »

« S’il avait appris à trouver des issues dans le labyrinthe de sa déprime, il lui arrivait aussi de rester bloqué dans l’impasse. »

« (…) Gange avait pris sa décision. Elle débordait du cadre de la légalité, mais si les règles avaient changé, la manière de jouer devait changer aussi. »

« Les rires et la complicité des deux femmes de sa vie avaient entrouvert la porte d’un monde insouciant, où l’on évaluait sans peur, librement. Il aimait les regarder, elles étaient l’incarnation du bonheur. Cette porte, il l’avait pourtant refermée. Il n’avait pas osé croire qu’un tel monde pût exister, un monde à l’opposé de son quotidien de flic. »

« Si le scandale éclate, des têtes vont tomber, et une tête qui tombe, c’est une place à prendre. »

« Je vous arrête tout de suite, je suis de la vieille école, les gentils d’un côté, les méchants de l’autre, la justice au milieu. »

« En pressant sur la détente, il mettrait un terme à l’enquête qui avait anéanti ses dernières illusions. Tirer, en finir avant de ne plus en être capable. Des semaines de souffrance et l’enquête bouclée. La délivrance.
Ou la douleur, encore, sous une autre forme. »

Note: 4/5

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18 réflexions au sujet de « L’abbaye blanche – Laurent Malot »

  1. Oh je ne l’ai pas coché à MC!!!!lol…
    C’est bon je le veux!!!!;)
    Franchement super critique, je pense que je pourrais autant adoré que toi avec ce que tu nous présente! 😉 Merci pour la découverte!!!!

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