
Philip Kerr – La paix des dupes (2007)
4ème de couv’…
Octobre 1943: Roosevelt, Churchill et Staline doivent se rencontrer à Téhéran pour discuter du sort de l’Allemagne… et se partager l’Europe.
Chacun s’y prépare au mieux de ses intérêts.
L’espion personnel de Roosevelt, Willard Mayer, est un agent de l’OSS qui se trouve également être juif, d’origine allemande, philosophe et ancien membre du parti communiste. Avoir tant de choses à cacher ne va pas lui faciliter la tâche…
Quant à Hitler, il sait, après Stalingrad, que l’Allemagne ne peut plus gagner la guerre.
Dans son entourage, on œuvre discrètement pour sauver les meubles.
De Londres à Stockholm, de Berlin au Caire et enfin à Téhéran, agents secrets, sbires et traîtres de tous bords s’en donnent à cœur joie. Meurtres, complots, projets d’attentats se succèdent dans une atmosphère d’urgence extrême.
Jusqu’au jour J, où rien ne se passe comme l’Histoire l’a écrit…
Mon ressenti de lecture…
Non, La paix des dupes ne fait pas partie de la série des Bernie Gunther. C’est certes un roman historique implanté durant la Seconde Guerre Mondiale mais c’est un one shot!
Doux rêveurs qui pensez que la paix universelle n’est pas une utopie: fuyez, pauvres fous, n’ouvrez jamais un roman d’espionnage!
Et vous qui osez ouvrir ce roman, perdez ici toute espérance!
Le monde de l’espionnage est le parfait déséquilibre entre l’intérêt commun et général et les petites individualités mesquines, entre la grande Histoire et le chaos des petites. Tant que le sort des masses populaires est placé entre les mains d’une poignée élitiste composée, de toutes manières, d’êtres humains, donc imparfaits et assujettis à leur ego, tout ne sera que chaos, calculs et trahisons.
Philip Kerr, avec La paix des dupes, nous brosse le parfait tableau de l’espionnage en s’appuyant sur un fait avéré de la grande Histoire, la rencontre entre Churchill, Roosevelt et Staline, à Téhéran, en Novembre 1943. Un événement connu de tous, en tout cas, ce qui concerne la vitrine officielle de l’Histoire. Et autour de cette rencontre historique, l’auteur y apporte sa touche fictionnelle pour titiller le lecteur, ébranler les bases de véracité que nous tenons (presque!) tous pour acquise lorsque nous avons ouvert un livre d’Histoire, au moins pendant nos années scolaires.
Et Philip Kerr a le talent de distordre le cours du temps pour nous immerger dans les combines des grands de ce monde, comme si nous étions assis dans un fauteuil aux côtés de Roosevelt, à déguster un martini préparé par ce grand homme himself! Même avec un petit excès de vermouth en prime!
L’auteur mêle une documentation historique irréprochable aux éléments fictionnels de son intrigue, nous révélant ainsi toutes les nuances de gris, allant du noir le plus profond à l’inexistence du blanc virginal. Une vision manichéenne du Monde est impossible, un jugement expéditif, dangereux, et l’optimisme confiant voué à l’échec.
Et rien de tel que de créer un personnage, l’espion personnel de Roosevelt, Willard Mayer, qui est un agent de l’OSS, ancêtre de la CIA, et qui se trouve également être juif, d’origine allemande, philosophe et ancien membre du parti communiste. Toutes ces caractéristiques alimentent une réflexion dense sur le rôle des espions, mais aussi de ces hommes (et femmes!) aux origines multiples, aux confessions diverses et aux convictions fluctuantes. Où la loyauté se fixe-t-elle quand ces horizons se confrontent?
Ce personnage est intéressant car il évolue entre deux eaux, comme un caméléon, honoré d’avoir l’oreille de Roosevelt, lucide sur son sort personnel et l’esprit ouvert aux motivations d’autrui.
L’intrigue est captivante: nazis, anglais et américains se croisent, se reconnaissent, s’ignorent. Tout est dans l’information et la désinformation, la manipulation et la préhension des mouvements futurs de l’autre.
Un bémol, léger: les russes sont un peu trop discrets, à mon sens, dans ce jeu planifié. L’auteur ne les ignore pas totalement puisqu’il est largement question du massacre de Katyn en 1940, mais il ne ressort pas un réel enjeu pour eux dans cette rencontre au sommet. Est-ce parce qu’ils se sentaient, de toutes manières, en position de force que leurs espions étaient au repos?
D’un point de vue psychologique, ce genre de romans est passionnant, en confrontant des personnages historiques dont nous connaissons la réputation, leurs actes et les travers plus ou moins bien dissimulés, trouvant écho dans l’intervention de personnages secondaires totalement fictionnels et obscurs.
D’un point de vue purement historique, les romans d’espionnage sont terribles en nous dévoilant les coulisses de la scène internationale. Tout n’est pas blanc, ni noir. Chaque position peut se défendre selon le point de vue adopté mais ce qui est certain, c’est que si le monde est un vaste échiquier, que certains fous sont sacrifiés pour protéger la reine, nous, humbles citoyens n’avons que peu de chance d’assister à la fin de la partie…
Nous n’apprenons, en général, que les grands traits de l’Histoire mais avec des auteurs comme Philip Kerr, nous avons la chance de découvrir que l’Histoire n’est pas constituée essentiellement de grands événements et de dates cruciales, elle réside dans les détails, les obstacles inattendus, les secrets et les trajectoires d’individus dont nous ne connaîtrons jamais les noms…
Roman historique passionnant si vous ne l’avez pas compris et que je recommande à tous les passionnés de la grande et de la petite Histoire!
Citations…
« Me suis-je clairement fait comprendre?
Assez clairement. J’allais devoir me muer en corniaud sans couilles, juste affublé du
collier de mon maître, histoire de faire comprendre aux gens que j’avais le
droit de venir pisser sur leurs plates-bandes. Mais j’affichai un beau sourire
et, en barbouillant ma réponse aux couleurs de la Bannière étoilée, je dis
d’une voix flûtée:
«Oui, monsieur le Président, je vous comprends parfaitement.» »
« L’histoire nous enseigne que les coalitions sont rarement viables, car elles atteignent toujours un stade où telle ou telle nation rechigne à l’idée de consentir des sacrifices au bénéfice d’une autre. »
« La destinée de l’humanité ne devrait jamais dépendre
de la trajectoire de la balle d’un assassin. »
« Nous ne voulons pas de la paix selon Hitler, pas plus que nous n’avons voulu de sa guerre, car seul l’imbécile descend de l’arbre pour aller regarder le tigre blessé droit dans les yeux. »
Il est dans ma PAL, yapuka puisque tu dis que c’est aussi bien que 5 chats noirs :p
Viii, 5, tous contents! 3:) Yapuka!
Vous aurez ma mort par burn-out livresque ! 😛
Ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir? 😮 Je ne la vois, tu as encore énormément de la marge! 3:)
♫ Anne, ma soeur Anne ♪ (une chanson que j’apprécie car ses paroles font mouche)
J’ai de la marge ? Marge Simpson ?? 😆
Oh ne me parles pas des Simpson, ils sont obligés de faire disparaître un personnage pour satisfaire à la censure! 😮 Si les Simpson se soumettent, où va-t-on? 😮
HEIN ???? C’est quoi ce bordel ?? Je ne les regarde plus depuis longtemps, mais là, tu me troues le cul… qui ont-ils supprimé ?
Je n’ai jamais trop suivi mais j’aimais bien certains clins d’oeil irrévérencieux!
Il s’agit du personnage d’Apu, jugé raciste.
Apu ?? L’épicier hindou ? J’ai demandé à Google et dans les morts, il parlait du père de Krusty, mort de mort naturelle (alors qu’on annonçait une mort à la noces sanglantes de GOT) et niveau censure, c’était pour un accident nucléaire et en effet, il y a eu un truc avec le racisme, mais il me semblait que c’était vis-à-vis d’Apu…
je ne sais rien sur Krusty, j’ai juste vu le tollé soulevé pour Apu! http://www.cnews.fr/divertissement/2018-10-28/face-la-polemique-les-simpson-font-disparaitre-lepicier-apu-de-lecran
Je vais aller lire ça, Google ne m’en avait pas parlé ainsi 🙂
Ok, j’avais lu que certains se plaignaient que Apu était une caricature d’un hindou et que ça ne leur avait pas fait plaisir ni rendu service dans leur vie, mais je n’avais pas eu l’info qu’on allait l’éliminer. Éliminer le personnage ne résoudra pas le problème, ils auraient dû le transformer et le rendre moins caricatural, je trouve. Mais bon…
Et si tu commences à ouvrir la porte à une censure somme toute arbitraire et pas vraiment fondée, tu signes la petite mort de ce qui faisait l’originalité de la série… I think!
I think aussi…. mais je sais aussi que les gens changent et que ce qu’ils aimaient comme impertinence il y a 20 ans (ou 10 / 5…), ils peuvent aussi le brûler sur le bûcher ensuite…
L’inconstance bien sûr… L’offre et la demande aussi… Mais je pense qu’une ligne directrice devrait rester droite quitte à perdre de l’audimat, cela permet aussi d’en gagner un autre…
Je pense comme toi. South Park a-t-il censuré certaines choses ou ont-ils continué dans leur ligne directrice du trash et l’irrévérence ?
Pas assez fan de South Park pour le dire! 😮
Moi non plus, je pensais que toi oui ! mdr
Nope, je ne suis pas très fan de ce style de programmes mais ils sont inévitables parfois… surtout avec mon fils dans les parages! 😀
Putain, ils ont tués Kenny ! 😆
Celui qui meurt à chaque épisode ou presque?!? Putain! 😀
Oui, ce Kenny là !