
Marcel Beyer – Secrets (2018)
4ème de couv’…
Dans cette famille « silencieuse et dispersée » il manque pas mal de pièces.
Carl, Nora, Paulina et leur cousin, le narrateur, n’ont jamais connu leurs grands-parents. Tandis que d’autres découvrent le passé dans les albums de famille, les quatre adolescents ne tombent que sur des photos découpées, des non-dits, des mensonges.
Ce qui est soigneusement tenu secret dans la famille, et que les parents ne veulent surtout pas connaître, c’est l’histoire du grand-père pendant le Troisième Reich, qui abandonne sa fiancée pour s’engager dans la légion Condor et bombarder Guernica.
Qui est cette « vieille », avec qui il s’est remarié et qui fait tout pour effacer son passé? Et qu’est donc devenue cette grand-mère soprano aux beaux yeux italiens?
Sur les collines de la ville, où flottent de mystérieuses spores, le jeu innocent tourne à l’obsession et finit par éloigner le narrateur de ses cousins. Fiction et réalité se mélangent, peut-être qu’il vaudrait mieux tout oublier.
Mais comment oublier ce qu’on ne connaît pas?
Mon ressenti de lecture…
Ce roman parle des secrets de famille, les silences, les choses oubliées ou tues. Mais là, nous ne sommes dans n’importe quelle famille…
Le puzzle du passé familial est parfois simple à reconstituer et la conséquence de la non transmission des souvenirs d’une génération à l’autre pour diverses raisons, rupture familiale, désintérêt pour l’existence des aïeux, destruction accidentelle des albums… mais quand cette transmission est volontairement stoppée, retrouver les vestiges de la famille est un véritable parcours du combattant.
Ce parcours est caractéristique de nombreuses familles dont les grands-parents ont vécu la Seconde Guerre Mondiale, qu’ils aient été allemands, français, juifs, résistants ou collaborateurs, civils ou militaires.
Le phénomène de la chape de plomb posée sur le passé a énormément touché les familles allemandes tant la blessure infligée par le nazisme a été profonde et reste sinistrement inoubliable.
Des existences entières auront été éliminées de la mémoire collective ou individuelle par le poids des fautes de tout un pays.
La libération de la parole ne se sera pas faite pour beaucoup et quand elle est présente, elle n’est encore que parcellaire, reste difficile, qu’elle soit entachée de honte ou d’une fierté aujourd’hui inaudible.
Et cet héritage dont des pans entiers de souvenirs se sont évaporés ou ont été dissimulés laisse les héritiers dans le doute, l’imagination, la sublimation ou le désarroi le plus total.
C’est ce à quoi sont confrontés les quatre cousins: le narrateur, Carl, Nora et Paulina.
Des photos déchirées, des silences, des pièces manquantes d’un puzzle qu’on ne veut pas reconstituer. Et pourtant, les quatre cousins veulent savoir. À la manière des espions ou avec la naïveté de l’enfance, ils veulent savoir qui étaient ce grand-père en uniforme et cette jolie cantatrice, leur grand-mère.
La tentative de reconstituer l’histoire familiale m’a semblé décousue, racontée sous différents angles, avec de nombreux flash backs sur plusieurs décennies, avec peu de détails concrets mêlés aux suppositions nées de l’imagination des quatre cousins.
Je me suis un peu perdue entre les pages, je dois bien l’avouer. Je suis davantage attirée par une certaine rigueur dans l’enchaînement des étapes d’une histoire que par des digressions qui plongent le lecteur dans le brouillard.
Si le choix de ce schéma narratif traduit certainement la confusion qui a animé et anime encore les générations allemandes actuelles à propos de la vie de leurs grands-parents et de la difficulté à cohabiter avec le lourd poids du nazisme, il en affecte le plaisir de lecture, à mon sens.
De l’obsession de connaître ses origines à celle de remuer un passé douloureux, Nora, Paulina, Carl et le narrateur sont les héritiers d’une période douloureuse de notre Histoire mais ne m’auront pas entraînée dans leur étrange quête.
Dommage car le sujet est pourtant intéressant…
Citation…
« Il n’y a vraiment pas de quoi envier les espions. On croirait que toutes ces cachotteries n’existent que parce que les agents des services secrets n’ont qu’une peur, qu’on découvre qu’ils passent le plus clair de leur temps à des occupations ennuyeuses. »
Quand on se perd dans les pages, ça fout tout l’édifice en l’air ! Je connais….
Ouaip! Et c’est dommage! 😮
Ça nous arrivera encore !
Fatalement! 😮
😉