
Célestin Robaglia – Promets-moi d’être heureux (2018)
4ème de couv’…
Désabusé par la vie, Gabriel a renoncé à ses rêves de changer le monde. À 27 ans, il est enlisé dans sa routine parisienne et partage son quotidien avec son cousin Noé, un rêveur asocial.
La vie de Gabriel bascule lorsqu’il se retrouve sans préavis tuteur d’Aziliz, sa nièce de dix ans. Avec une sagesse déconcertante, Aziliz remet en cause le simulacre de vie qu’il mène avec Noé et le pousse à écouter ses désirs enfouis. Gabriel se rappelle alors la promesse qu’il a faite à sa sœur, Clara, lors d’un rêve étrange. Poussé par cet engagement, il décide de tout plaquer.
Sans projet ni point de chute, il part avec Aziliz et Noé direction la Bretagne, avec un seul rêve: trouver un lieu où ils pourront vivre en symbiose avec la nature. Pour Gabriel, c’est le début d’un cheminement personnel. Au contact de l’essence vibratoire de la forêt, il se reconnecte à sa propre nature et apprend à cultiver les bonheurs simples de la vie.
Mon ressenti de lecture…
Noé et Gabriel vivotent sans grande passion lorsqu’un drame les met face au vide de leur existence. Une petite fille, Aziliz, la nièce de Gabriel, les secoue dans leur apathie et le trio part à l’aventure, la plus belle qui soit: l’accomplissement de soi et le bonheur…
Ce roman nous parle de deuil et de l’absence des personnes qui nous sont chères. Une petite fille orpheline a pourtant en elle la force de se relever et elle entraîne dans son sillage deux jeunes hommes déjà bien cabossés par le destin. Deux jeunes hommes qui ont pourtant jeté l’éponge depuis trop longtemps, pétris de peurs, de doutes et paralysés par le manque de courage et l’angoisse de l’échec. Et cette petite fille, avec toute sa fraîcheur et son idéalisme encore entier, trace un nouveau chemin, celui peut-être que chacun ne devrait jamais abandonner en cours de route, le chemin vers la paix intérieure et une certaine félicité.
J’ai dévoré et adoré ce roman pour les sentiments qu’il transmet, pour sa vision lucide de notre monde d’aujourd’hui et pour l’espoir qu’il porte que, malgré tous les obstacles, nous sommes maîtres de notre destin et que rien n’est jamais acquis.
Même si l’histoire de Gabriel, Noé et Aziliz se tisse sur un fond de mysticisme et de réflexions spirituelles, même si les paroles d’Aziliz peuvent nous paraître naïves, l’auteur nous dévoile une vérité de notre temps: tellement d’entre nous ont jeté leurs rêves aux orties face à l’impuissance prégnante que nous ressentons à changer globalement le monde tel que nous l’avons laissé se construire au détriment de l’épanouissement de l’être, le bonheur, la paix et la vie en communion avec la nature.
« Dans notre monde, l’argent est tout-puissant. Il permet tout, et justifie donc tous les moyens pour être acquis: la misère, la faim, la destruction même de notre planète. »
Mais l’analogie avec la nature est aussi bienvenue pour redonner l’espoir au lecteur: cette nature qui se voit infliger les pires outrages trouve toujours le moyen de renaître alors pourquoi pas l’homme qui ne peut être totalement brisé et broyé par le système impitoyable de la société tant qu’il a en lui la volonté de se relever et d’avancer?
En étant maître de soi, nous cessons d’être un rouage de la machinerie aveugle et indifférente de cette société implacable. C’est décider de descendre du train fou qui roule à une vitesse démente vers sa perte irrémédiable. C’est une prise de conscience que le bonheur moderne ne se situe pas dans l’accumulation de possessions matérielles, dans le déroulé fade et morne d’une existence où l’individualité est érigée en priorité alors que celle-ci a abdiqué pour l’anonymat du chiffre, où la consommation à outrance ne créé qu’insatisfaction et frustration. C’est un plaidoyer pour la décroissance, pour que l’homme retrouve sa nature profonde pour atteindre une forme plus saine de bonheur et par là même retrouve le contact avec cette nature qui lui a donné naissance.
Alors oui, pas tout le monde n’a cette aspiration d’une humilité bienheureuse face à la nature mais pour ceux qui ont eu envie, au moins une fois dans leur vie, de tout plaquer trouverons du réconfort et de l’espoir dans ce roman empli de sagesse et de bon sens, et pourquoi pas un élan pour concrétiser leurs rêves pas si fous d’une vie plus simple, harmonieuse et plus épanouissante…
« Ne soyons pas passifs, chacun doit être acteur de sa propre existence. » Ce pourrait être la « morale » de ce joli roman…
Citations…
« C’est la promesse de l’aube, qui porte en elle cet espoir fou que rien n’est joué et qu’il ne tient qu’à nous de décider de tout changer. »
« Le chemin du bonheur n’a rien à voir avec celui de la justice. Si tu commences à compter les torts de chacun, tu ne t’en sors pas. Le choix de ne jamais se considérer comme une victime n’est pas une vision nécessairement vraie d’un point de vue moral, mais c’est sans conteste la plus efficace: si j’estime être à chaque instant le créateur de ma réalité, je m’offre l’opportunité de la changer quand le résultat que je vis ne me convient pas. »
« Ton chemin n’est pas le mien, ni celui de quelqu’un d’autre. Ta vie est unique, et toi seul a le pouvoir de choisir comment être heureux et ce que tu feras pour y parvenir… La voix de ton cœur est la seule qui puisse te guider de manière infaillible. »
« On aime prendre le rôle de victime, car ça permet d’évacuer momentanément son mal-être par la plainte, mais je te dis ceci: choisir d’être victime, c’est abdiquer son pouvoir. »
« Le tsunami touche le rivage des heures après la fin du tremblement qui l’a causé; quelque que soit son ampleur, quelle que soit la transformation radicale qu’il imprimera sur notre existence, à l’instant précis où ça se passe, absolument rien ne change. L’onde de choc se propage au rythme qui lui est propre, sans que cela ne nous affecte le moins du monde tant qu’elle ne nous a pas atteints. »
« Dans notre monde, l’argent est tout-puissant. Il permet tout, et justifie donc tous les moyens pour être acquis: la misère, la faim, la destruction même de notre planète. »
« Il y a des rendez-vous auxquels on aimerait ne jamais arriver. »
« Perdre sa maman… ça ne devrait pas exister. (…)
Une maman, ça ne part jamais vraiment… »
« (…) il n’a plus jamais été le même. Ça l’a détruit. Il n’a pas tenté de se suicider, non, il a juste arrêté de se donner les moyens de vivre. »
« Il faut seulement garder à l’esprit que ce que l’on cherche n’est pas la vérité absolue, mais le sentier qui mène à soi. Au grand soi. La voix intérieure doit toujours primer. Bouddha exprimait cela ainsi: » Ne crois rien de ce que tu lis ou de ce qu’on te dit (…) à moins que ça ne parle à ton cœur. » »
« (…) alors je risquerais d’être heureux. Et si je suis heureux, si je suis aimé, j’ai quelque chose à perdre. Et si je perds cet amour, je souffre. Je suis même en danger de mort. J’observe que je peux vivre sans amour car je reste dans l’espoir de le rencontrer un jour, mais que je ne peux envisager de le perdre si je le vis. Résultat, je sabote toutes mes chances afin de me préserver d’un destin tragique. »