
Joy Callaway – Les virtuoses de la Cinquième Avenue (2018)
4ème de couv’…
New York, 1891.
Issue d’une famille pauvre mais raffinée, Virginia Loftin est la plus audacieuse d’une fratrie de quatre sœurs et d’un frère. Elle souhaite devenir une romancière célèbre malgré son sexe et épouser Charlie, son voisin et premier amour.
Mais lorsque ce dernier demande la main d’une riche héritière, Ginny est désemparée. Elle s’isole et transforme leur histoire en roman, réécrivant sans cesse une fin plus heureuse.
Un jour, elle est conviée à se rendre dans un salon d’artistes, tenu par John Hopper. Dans cette assemblée, Ginny redevient elle-même et s’épanouit sous les attentions du beau et énigmatique John. Jusqu’à ce que Charlie ressurgisse dans sa vie.
Une vie où les désillusions et les sombres secrets se dévoilent peu à peu…
Mon ressenti de lecture…
Virginia Loftin est née dans une famille d’artistes. L’une joue du piano, l’autre créé des chapeaux, l’un peint et Virginia écrit. Mais le décès du père les laisse au bord de la misère et le besoin de survivre devient vital. L’agent manque, le standing social perdure péniblement et chacun exploite ses dons pour ramener un petit pécule mais quand on est une femme en 1890, à New-York, la tache n’est guère aisée…
L’intrigue semblait se fixer sur l’histoire d’amour contrariée entre Charlie et Virginia, à une époque où les unions étaient plus souvent des contrats pour assurer un statut financier et social.
La trahison de Charlie marque en fait un virage dans l’existence de Virginia qui observe autour d’elle la condition féminine, la difficulté à vivre de son travail ou de son art, à concilier mariage et art.
À cette époque, on n’encourage pas les femmes à poursuivre des études, on ne leur reconnaît aucune aptitude à briller pour leurs talents artistiques ou même politiques. C’est la Loi du « Sois belle, tais-toi, marie-toi, fais des enfants et sois une bonne épouse. » Ce roman est l’analyse de ce carcan étriqué que les filles de la famille essayent de briser.
La fréquentation d’un salon atypique où se côtoient sur un pied d’égalité, hommes et femmes, écrivains, peintres ou musiciens, ouvrent un horizon nouveau, novateur et libérateur pour Virginia dans une joyeuse cacophonie et une douce euphorie. Mais même les cercles artistiques ont leurs démons et leurs excès…
Et quand le scandale éclate, la mise au ban est immédiate et l’avenir incertain.
L’auteur a su recréer un portrait fidèle de la société new-yorkaise de la fin du XIXème siècle et sa narration légèrement surannée fleure les romans classiques de l’époque. L’évocation des grands noms du monde de l’édition comme Putman ou Edith Wharton, ou ceux de la haute société comme les Astor ou autres Van Pelt, nous transporte en un autre temps, au creux d’autres mœurs…
Mention spéciale pour la rencontre fortuite avec Oscar Wilde, au détour d’une conversation…
Mais la condition féminine, si elle finement analysée au travers de ses personnages, apparaît comme subie et malgré les succès des unes ou des autres, elle est le résultat d’heureuses circonstances et non d’une volonté militante.
Le roman manque de nervosité et de passion, c’est un baiser langoureux plutôt que fougueux, et les événements peinent à prendre un peu d’essor. Le scandale explose mais la suite s’essouffle rapidement. L’auteur nous laisse dans l’ignorance du devenir des principaux accusés et la vie reprend ses droits cahin caha.
Et même si j’ai apprécié cette immersion dans le monde artistique et intellectuel, j’avoue être restée sur ma faim.
Citations…
« Si certains peuvent écrire en pleine tempête, je ne peux créer que dans le silence. »
« Se faire publier est quasiment aussi aléatoire qu’une main de poker. Ce qui signifie que, si votre manuscrit est bon, vos jokers sont vos relations et les attentes des éditeurs. Et ils ont des goûts imprévisibles. »
« Si je pouvais permettre, ne serait-ce qu’à une personne, de se souvenir de son âme d’enfant avant que l’âge adulte ne lui impose son carcan social et ses règles, peut-être la sauverais-je d’une prison comme la vie de Cherie ou l’avenir de Charlie. »
« Je baissai les yeux vers les pages de mon cahier couvertes de lignes griffonnées et remerciai le ciel de m’avoir donné une passion autre que la futile chasse au mari. (…) Si je ne pouvais dominer l’amour, je pouvais dominer mes mots, et j’avais bien l’intention d’exploiter cette faculté. »
« J’aurais tant voulu que les mots que j’avais écrits se concrétisent, qu’ils transforment cette réalité si triste, mais ce ne serait jamais le cas. »
« Je lui avais donné mon cœur, j’avais donné mon cœur à John, et tous deux l’avaient martelé. Il était abîmé et je ne voulais pas risquer de le voir voler en éclats. »