
Jillian Cantor – La vie secrète d’Elena Faber (2018)
4ème de couv’…
Autriche, 1938. Kristoff, jeune orphelin viennois, est apprenti chez Frederick Faber, un maître graveur, créateur de timbres, lorsqu’éclate la nuit de cristal.
Après la disparition de son professeur, Kristoff commence à travailler pour la résistance autrichienne avec la belle et intransigeante Elena, la fille de Frederick dont il est tombé amoureux.
Mais tous deux sont bientôt pris dans le chaos de la guerre.
Parviendront-ils à échapper au pire?
Los Angeles, 1989. Katie Nelson découvre dans la maison familiale une riche collection de timbre appartenant à son père.
Parmi ceux-ci, une mystérieuse lettre scellée datant de la Seconde Guerre mondiale et ornée d’un élégant timbre attire son attention.
Troublée, Katie décide de mener l’enquête, aidée de Benjamin, un expert un peu rêveur…
Mon ressenti de lecture…
Lecture 5 étoiles, la dernière de l’année 2017!
Commencée dans l’optique de quelques pages pour terminer la journée, je ne l’ai lâchée qu’au milieu de nuit, une fois la dernière page tournée!
La vie secrète d’Elena Faber est le premier roman traduit et publié en France de l’américaine Jillian Cantor. Et c’est une sacrée réussite avec ce roman mêlant l’Histoire, la petite histoire et l’Amour.
Kristoff adore dessiner, ne connaît rien à la pierre mais décide toutefois de se faire engager comme apprenti par Frederick Faber, maître graveur, créateur de timbres. Orphelin, il va trouver davantage qu’un travail auprès de Faber, il y découvre une famille et tombe amoureux d’Elena, une des deux filles du maître. Mais les Faber sont juifs, nous sommes en Autriche, en Novembre 1938 et die Kristallnacht, la nuit de cristal, marque un bouleversement sans précédant dans l’existence de millions de juifs.
C’est la première manifestation antisémite violente et de masse perpétrée sur ordre d’Hitler en Allemagne et ses territoires occupés.
Peu de solutions, résister ou fuir.
Kristoff, par amour, épouse la cause d’Elena… à leurs risques et périls.
En 1989, alors qu’en Europe le mur de Berlin chute, aux États-Unis, Katie, déstabilisée par son divorce et pour se rapprocher de son père qui perd peu à peu la mémoire, décide de s’intéresser à sa passion, les timbres et confie une riche collection à un spécialiste, Benjamin.
Parmi la multitude de timbres collectionnés, une lettre scellée adressée à Fräulein Faber, ornée d’un timbre original, attire l’attention de l’expert et va les engager dans une véritable enquête pour retracer l’origine de ce timbre et de cette missive.
C’est un roman inspiré de faits réels. Évident pour les grands événements historiques connus de tous mais un peu moins en ce qui concerne l’utilisation de moyens détournés de communication entre résistants, comme les timbres par exemple.
Le tissu historique choisi par l’auteur est fascinant et, comme toujours en ce qui me concerne, je fonce sans discuter.
Deux époques s’entrechoquent avec la Seconde Guerre Mondiale et la chute du Mur de Berlin; le début, la fin; le passé et le présent. Et ces deux récits présentent une tension comparable bien que différente: l’angoisse de savoir si Elena et Kristoff vont s’en sortir, la peur pour leur vie, pour le passé déjà écrit mais inconnu pour nous et une certaine effervescence devant les découvertes de Katie et Benjamin et l’espoir ténu de connaître la fin de l’histoire.
Mêler les sentiments aux événements tragiques de l’Histoire est une recette idéale pour créer un condensé d’émotions. Et en cela, l’auteur a parfaitement réussi à m’entraîner dans cette histoire avec des personnages attachants, que ce soit Elena, Kristoff, Benjamin ou Katie.
Le père de Katie est touchant également et les ravages d’une maladie telle que celle d’Alzheimer sont terribles. On se questionne sur ce que vivent les malades et l’impuissance à les aider est insoutenable pour les proches. C’est une réflexion sur la mémoire. La mémoire individuelle, une vie qui s’efface peu à peu à chaque réveil, irréversiblement et, par voie de conséquences, sur le devoir de mémoire, la mémoire au sens plus large, chargée de transmettre les événements d’un passé pour les générations à venir.
J’ai été très émue par un passage du roman, lorsque Katie compare deux cartes de l’Autriche, l’actuelle et celle des années 40, et prend conscience que des villages entiers et leurs habitants ont été rayé et ainsi privés de toute mémoire. Elle le vit avec son père et touche du doigt ainsi une réalité historique qui déborde des manuels scolaires.
Émue également lorsqu’elle converse avec sa grand-mère, qui s’est tue pendant des décennies sur son vécu en Europe, ses blessures, ses pertes. Nous oublions encore trop facilement que nos grands-parents ne sont pas seulement des personnes âgées, affaiblies par le temps, mais qu’ils ont eu des combats, des espoirs et des déchirures. Katie illustre parfaitement le rapport entre générations et l’envie, parfois tardif, de connaître réellement la vie de nos aïeux.
Au-delà de l’histoire sentimentale de Kristoff et Elena ou Katie et Benjamin, ce roman parle aussi d’engagement.
Lorsqu’une tragédie frappe un être, c’est la dualité entre la volonté de mettre à tout prix ses proches à l’abri du danger et celle de se révolter et de résister au péril de sa propre existence.
Elena est ce combat.
Elle veut protéger les siens mais ne se résout pas à abandonner son « Autriche » aux mains des nazis. C’est un engagement qui demande des sacrifices, ultimes parfois.
Et cette histoire est belle pour ce combat d’une toute jeune fille qui n’aurait dû avoir comme seules préoccupations que de choisir sa robe pour un prochain bal.
J’ai adoré ce portrait de femme, profondément humaine et emplie d’une force et d’un idéal qu’elle a toujours poursuivi malgré les horreurs autour d’elle.
Kristoff est également un personnage très attachant. Lui, l’orphelin viennois, sans religion reconnue, aurait très bien pu sortir son épingle du jeu quand les nazis ont étendu leur emprise sur l’Autriche, ont menacé son petit coin reculé de campagne. Mais il n’en a rien été, il a fait sienne une cause dangereuse et a mené le combat aussi loin qu’il a pu. Un portrait d’homme courageux et amoureux qui ne peut laisser insensible!
Le seul bémol est peut-être un résumé trop court des événements d’après-guerre, quand un combat de résistance en chasse un autre, avec l’occupation soviétique. L’évocation de la prison de Hohenschönhausen, à Berlin (devenue Mémorial depuis 1994), prison secrète soviétique puis de la Stasi m’a laissé sur ma faim… Mais bon, c’est juste un détail et un très léger bémol!
J’ai adoré l’histoire d’Elena et Kristoff, j’aurais voulu encore cheminer à leurs côtés pendant quelques centaines de pages!
Émotions, espoir, Histoire… je suis tombée sous le charme de la plume de Jillian Cantor qui a su raconter une très belle histoire d’amour et ne pas se contenter d’un contexte historique tragique comme simple décor mais en faire un personnage à part entière.
Auteur à suivre!
Citations…
« Mes yeux vont et viennent en comparant les cartes. D’autres petites villes ont disparu également. Et tandis que j’observe les deux cartes côte à côte, les horreurs commises dans ces pays pendant la Seconde Guerre mondiale et par la suite m’apparaissent avec une évidence tangible. Ça me frappe, d’une façon que je n’ai jamais été capable de conceptualiser auparavant. Les points indiqués sur la page représentent des maisons, des commerces et des personnes qui ont été effacés de la carte. Juste comme ça. »
« La douleur d’avoir perdu quelqu’un est-elle moindre si on ne se souvient plus qu’on l’a perdu? »
« Vu que sa mémoire lui fait défaut, je ne peux pas abandonner sa passion de toute une vie comme ça. Peut-être est-ce une façon de m’accrocher à lui encore un peu. Pour qu’il ne disparaisse pas complètement en même temps que ses souvenirs. »
« Frederick est parti. Le monde entier changeait. Kristoff aurait voulu l’arrêter, contraindre toute chose à l’immobilité. Il ne voulait pas qu’on le laisse ici totalement seule, dans cette maison et dans cette vie. »
« En une nuit, d’innombrables familles se retrouvèrent sans toit, sans travail, sans vie. Presque tout ce qui restait debout était calciné ou en ruine. Et à présent, recouvert de neige. »
« Mais peut-être qu’elle a raison, et que c’est exactement ce que je fais: laisser l’histoire d’amour d’une inconnue m’obséder pour ne pas penser au désastre qu’est devenue la mienne. »
« Il faut bien que quelqu’un se batte, Kristoff!
Si tout le monde fuit, qui restera pour combattre? »
Tu m’as convaincu.
Au fait, bonne année ;-).
Bonne année Anne-Ju! Et surtout tout plein d’excellentes découvertes livresques! Peut-être que ce roman sera un peu trop sentimental à ton goût… je dis ça, je ne dis rien! :p En tout cas, tu as le temps, il ne sort qu’en Avril! 😉
Dès fois, j’ai besoin de sentiments !
Alors tu seras servie! 😉
Non, je me révolte ! Pas des coups de coeur direct dès le début de l’année !
Techniquement, c’était le dernier de 2017… mais le premier de 2018 sur le blog! 😀 En tout cas, j’ai adoré! :p
Tu me tues, tu sais, ça !!!
Ressuscite steuplé, je n’ai pas terminé! 😀
Et pas de révolte, je te prie, ça fait mauvais genre dans le monde des moutons tondus! 3:)
Pardon madame… ce ne sera pas une révolte que je ferai, mais une révolution ! 😀
Je sors l’artillerie lourde alors! 😉
Z’y va !
Il me tente beaucoup … L’as-tu lu en VO ?
Non, je l’ai lu en français! Un très gros coup de coeur et je ne peux que t’encourager très vivement à le lire! 😀 Bonne lecture Mimi23! PS: Je commence des lectures VO cet été et ce sera mentionné dans mes articles car il y aura des romans non traduits et publiés en France ou pays francophones! 😉
Merci pour ta réponse !! Je vais certainement le lire. J’attends également « Les déracinés » de Catherine Bardon dont l’histoire débute également à Vienne en 1938. J’attendrai avec impatience tes lectures en VO cet été !!
Je n’ai pas noté Les déracinés parce que si cela démarre en Autriche dans les années 30, cela continue en République dominicaine, un cadre qui ne m’inspire pas! Mais si ton avis est dithyrambique, je me laisserai peut-être tenter!
Pour la VO, je ne suis pas bilingue et je dois fortement me motiver car j’appréhende un peu! 😀 On verra…
Je viens de terminer et « Les déracinés » et « La vie secrète d’Elena Faber », des romans qui se passent dans un contexte historique similaire, à savoir l’Autriche en 1938. Le livre de Jillian Cantor m’a donné une impression de déjà lu, avec une histoire dans deux temporalités qui se recoupent à la fin, et tout cela sur fond d’histoire d’amour. J’ai passé un bon moment de lecture, mais préféré de loin le roman de Catherine Bardon, plus abouti.
C’est vrai que la construction de La vie secrète d’Elena Faber est du déjà vu mais la plume de l’auteur m’a envoûtée! Par contre je ne me suis toujours pas décidée à ajouter Les déracinés dans ma PAL! 😮
En tou cas, merci Mimi pour le retour, c’est super gentil! 😀