4ème de couv’…
Jusqu’où iriez-vous pour sauver votre fille?
Le corps sans vie d’un ex-flic vient d’être signalé dans un bâtiment destiné à devenir le prochain nightclub branché d’une star du basketball: Marcus Rippy.
Parce que ses empreintes sont retrouvées sur cette scène de crime particulièrement sordide, Angie est recherchée par la police d’Atlanta.
Elle est la femme de Will Trent, policier taiseux dont Rippy est un ennemi personnel.
Elle est la mère biologique de Jo, conjointe étrangement effacée d’un sportif de haut niveau qui contrôle chaque détail du quotidien de son épouse.
Elle est surtout une flic, une survivante, une manipulatrice. Une femme qui a décidé d’en protéger une autre, sans limite.
Et Will Trent le sait bien: sa femme peut disparaitre; elle finit toujours par revenir.
Avec un plan.
Mon ressenti de lecture…
Tout d’abord, je remercie NetGalley et les éditions Harper Collins pour l’envoi de ce roman, huitième volet des aventures de Will Trent.
Will Trent, enquêteur au GBI (Georgia Bureau of investigation) au passé chaotique et traumatique, vit pourtant sereinement son amour avec Sara, médecin légiste, quand tout vole en éclat: sur une scène de crime, une importante quantité de sang identifiant son fantôme de femme, son démon, Angie, est découverte. Victime ou meurtrière, dans quel imbroglio s’est-elle encore fourrée?
Une scène d’entrée sanglante donne le ton d’un suspens qui ne s’affaiblit pas au fil des pages et d’une intrigue complexe dont le dénouement est loin d’être prévisible. Karin Slaughter est au top de sa forme avec Angie!
Une enquête policière et scientifique au scalpel aux côtés de l’équipe menée par Amanda, Will et sa coéquipière Faith face aux manipulations d’une ex-flic déjantée, trait d’union avec Rippy, star arrogante et intouchable du basket. D’indices scientifiques en témoignages, la tâche n’est pas aisée quand l’affect se mêle au travail des enquêteurs!
Car Angie est toxique, radioactive, incontrôlable!
Une femme cassée pour laquelle il est difficile d’éprouver de l’empathie tant ses choix sont dictés pour une personnalité instable et autodestructrice. Son enfance dysfonctionnelle entre une mère camée, un oncle pervers et des familles d’accueil plus encline à encaisser les chèques qu’à protéger les enfants confiés à leur garde, y est certainement pour quelque chose mais au lieu d’en faire une force pour cicatriser ses blessures et créer une bulle de bonheur, elle œuvre du côté obscur: drogues, proxénétisme, meurtres, rien ne lui fait peur.
Avec ce sentiment rageur qu’elle ne mérite pas le bonheur qu’elle n’a jamais connu, elle ne se respecte pas mais ne supporte pas, non plus, que son compagnon des heures sombres de son enfance, Will, avec qui elle est légalement mariée depuis des lustres, ait choisi une autre voix: l’ordre, la paix, la reconstruction.
Will est son point d’ancrage mais elle agit comme un enfant capricieux: elle veut briser son jouet. Elle ne sait pas l’aimer.
Tout comme elle ne sait pas aimer celle qu’elle se doit de protéger: Joséphine.
Son enfant, ce bébé qu’elle a abandonné sans état d’âme il y a 27 ans. Aujourd’hui, elle est pourtant portée par un instinct viscéral mais est incapable de l’exprimer par la raison, l’amour et la douceur. Elle y laisserait sa vie mais ne prononcera jamais « je t’aime ».
C’est un portrait fort et tragique que celui d’Angie. Une personnalité trouble et ambivalente qui n’évolue quand dans un effort de survie, détruisant autour d’elle pour se préserver, exprimant par la violence ses fragilités qu’elle étouffe avec acharnement.
A contrario, l’empathie est totale pour Will. Son passé en commun avec Angie explique ses tourments, la honte de ses cicatrices physiques, son silence et son incapacité à exprimer librement ses sentiments. Tourmenté, il l’est mais il est admirable et courageux dans sa manière de ne pas rester prisonnier de ce passé terrible, de sa volonté d’aller vers l’avant et un avenir plus apaisé. Mais il y a un hic: le lien avec Angie est tenace. On ne quitte pas Angie. Elle est là quand on l’attend le moins, elle traîne, elle rôde, elle perturbe sans cesse son fragile équilibre et Will est incapable de couper ce lien. Amour? Loyauté indéfectible pour une compagne de misère? Il ne sait ou ne veut tirer un trait sur cette relation toxique et destructrice!
Sara, sa compagne, supportera-t-elle longtemps ce troisième élément dans leur couple?
Faith et Amanda arriveront-elles à raisonner et à dessiller les yeux de Will?
L’auteur exprime magnifiquement son talent pour la psychologie de ses personnages tout en menant de front une excellente intrigue policière au sein du monde sportif, les athlètes égotiques baignant dans l’argent facile, le luxe, l’impunité de leurs caprices de stars offerte par des avocats avides et sans scrupules.
Angie est un roman qui évoque les violences faites aux femmes, dans l’enfance, dans la rue ou au sein d’un couple. L’emprise des hommes exercée par la force ou le chantage à l’enfant est ici mis en avant et aggravé par la pression médiatique qui tisse et défait les réputations, encense le succès sportif, salit aveuglément les victimes pour porter aux nues les dieux du stade.
Qu’importe les travers, perversions et crimes de celui qui apporte la victoire à son équipe, sa ville ou son pays pour galvaniser les foules, n’est-ce pas?
Outre les victimes condamnées au silence, l’auteur avance également les pieds et poings liés de la police face à une armée juridique qui dégaine l’arsenal que la Loi met à leur disposition. La Loi protège mais ici, nous ne parlons pas de la défense des victimes et le sentiment de frustration et de colère grandit au fil des pages.
Entre démêler les fils de l’intrigue, comprendre la complexité de la relation entre Will et Angie et en accepter les conséquence sur leur entourage, Angie est un roman trépidant et sans temps mort! Et sûrement le meilleur que j’ai pu lire à ce jour de Karin Slaughter!
Citations…
« Le truc bien, avec l’ecstasy, c’est que ça vous rend super heureux avant de vous causer un arrêt cardiaque. »
« Plus d’une fois, il avait eu à informer des gens d’un décès. Il se préparait avant de frapper à la porte, pour offrir une épaule sur laquelle pleurer ou un visage contre lequel hurler quand il annoncerait à une mère, un père, un mari, une épouse ou un enfant, que l’être cher ne reviendrait plus. »
« Il n’y a qu’une phrase pire que « Je te l’avais bien dit », c’est « Oui, maman, tu avais raison ». »
« Angie. Angie. Angie. Elle était morte. Peut-être. Sans doute. C’était l’occasion de repartir de zéro. Pour la première fois en trente ans, sa confidente, sa tortionnaire, son seul soutien et la source de ses souffrances, lui ferait défaut. »
« Angie n’avait ni la capacité ni l’envie de s’occuper de quelqu’un ou quelque chose pendant toute sa vie. L’empathie, elle ne connaissait pas; le seul principe qui l’ait guidée de tout temps, c’était sa propre survie. »
« Aussi loin que remontent ses souvenirs, Angie avait toujours pensé au futur. Le passé, on ne pouvait plus rien y faire, et le présent était souvent trop merdique pour qu’on s’y attarde. »
« Ça fait huit ans que je marche vers ma tombe. Le seul truc que je contrôle un peu, c’est la vitesse à laquelle j’y vais. »
« Abandonner un enfant, c’est le briser pour toujours. »
« Quand on aime quelqu’un, Will, on ne le blesse pas, on ne le torture pas. On ne le menace pas, on ne le fait pas vivre dans la terreur. L’amour, ça ne marche pas comme ça. Pas chez les gens normaux. »
« Là où j’ai grandi, il fallait cacher ses problèmes. À tout le monde. Pas juste parce que les gens pouvaient vous aimer moins. Quand on se faisait trop remarquer, quand on ouvrait sa gueule, les assistantes sociales l’apprenaient, et elles le mettaient dans notre dossier. Sauf que les parents — les parents potentiels — voulaient des enfants normaux, pas des gosses à problèmes. Donc, soit on faisait n’importe quoi, pour bien montrer qu’on n’en avait rien à foutre d’être adopté, soit on gardait ses problèmes pour soi en rêvant d’être choisi. »
« Quand une femme accuse un homme de viol, c’est une folle. Quand il y en a deux, trois, des dizaines, il se peut qu’elles aient raison. »
Note: 4/5
Et voilà, elle me tente une fois de plus !! 😀
J’ai lu assez bien de romans de cette auteure, mais ne me demande plus les titres, sans Google, je ne saurais plus les dire (ou sans mon fichier livre !!).