
Michael Farris Smith – Nulle part sur la terre (2017)
4ème de couv’…
Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.
Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l’attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil.
Mon ressenti de lecture…
Je remercie tout d’abord NetGalley et les éditions Sonatine pour la découverte du nouveau roman de Michael Farris Smith, auteur de La pluie sans fin que j’avais adoré!
Un Mississippi. Deux Mississippi. Trois Mississippi… Non, je ne calcule pas la distance qui me sépare de l’orage, il fait désespérément sec en ce mois! Je compte le nombre de pauvres âmes qui réintègrent le lieu de leurs malheurs passés pour en subir de nouveaux…
Russel a purgé sa peine de prison, a payé sa dette à la société. Mais certains ne sont pas d’accord et l’accueillent avec un passage à tabac de derrière les fagots… Ce n’est pas comme si Russel ne s’y attendait pas…
Maben traîne sa fille, Annalee, sur les routes surchauffées et poussiéreuses. De galère en galère, sans presque un sou en poche, à défaut de savoir où aller, c’est le retour à la case départ. Que faire d’autre quand la malchance et les mauvaises rencontres se succèdent?
Noir est la couleur de ce roman!
Dans une communauté rurale du sud profond des States, tout le monde se connaît, les antagonismes et les alliances sont ancrés depuis l’enfance, l’oubli n’est pas de mise et les haines perdurent au-delà du raisonnable pour forger les obsessions les plus malsaines. Le désœuvrement n’arrange pas les choses et jette plus souvent les hommes dans l’abîme embué de l’alcool, sur les routes désertes, au volant de leur caisse ou au comptoir des bars.
Si l’auteur nous dresse le portrait au scalpel d’une demi-douzaine de personnages dont la promiscuité a nourri les interactions au sein d’une modeste commune et tout aussi intéressant les uns que les autres, c’est autour de Mabel et Russel que l’action se joue.
Mabel et Russel traînent un passé d’échecs, de traumatismes et de mauvais choix, se retrouvent au même moment de retour dans ce patelin où un drame a bouleversé leurs existences, il y a onze ans.
Désabusés, résignés, ce n’est pas la joie que ces deux-là transpirent sous le soleil du sud!
Russel sent obscurément que son paiement à la société est une connerie et que certains n’attendent que sa mise à mort pour effacer l’ardoise. Quoi qu’il fasse, sa dette court toujours…
Mabel touche le fond au détour d’une énième mauvaise rencontre qui risque bien de lui ouvrir les portes de la prison et de la séparer de sa petite. Elle est paralysée par la peur, ne fait confiance à personne mais elle est à bout…
Et ces deux paumés de la vie, que le hasard confronte à nouveau après 11 ans d’errance, s’allient pour le bien de l’enfant… et peut-être aussi pour leur bien!
Aucun pathos larmoyant dans ces trajectoires noires, Russel et Mabel déroulent leur parcours avec une distanciation née de leur désespoir. La malchance est à leurs yeux une fatalité. Même si nous sentons en eux une étincelle de rage de vie et d’envie de ciel bleu, le poids des autres les écrasent dans un étau d’obscurité.
Roman noir qui est le reflet de destins sans trajectoire dans une société désenchantée, sans perspective que l’inéluctable malheur. Une plume bourrue et incisive, sans excès, tout en pudeur qui m’a captivée dès le début et tout au long de cette angoisse latente, dans l’attente de l’obstacle suivant mais avec, toujours, une pointe d’espoir.
Parce que le noir, on le sait bien, ne peut exister que par la présence de la lumière, quelque part…
Citations…
« Bon sang. J’aimerais bien savoir ce qui fait tourner le monde comme ça. Parce qu’il tourne d’une drôle de façon des fois. Pour certains en tout cas. »
« Le soir parfois je m’asseyais sur la véranda et ce que j’entendais c’était comme si la fin du monde avait eu lieu et qu’il y avait plus personne sur terre. »
« Il passa un doigt sur la cicatrice qui lui fendait le cou d’une oreille à l’autre, camouflée sous sa barbe naissante. Égorgé vif, mais vivant. Égorgé vif, mais guéri. Égorgé mais pas assez. Coup de bol, ils avaient dit. Un miracle, ils avaient dit. Mon cul, avait-il dit. »
« Mais c’était comme si elle essayait de rassembler les pièces disparates de différents puzzles. Aucun ordre, aucun motif, aucun schéma d’ensemble ne leur permettait de s’enchaîner harmonieusement. Elle errait depuis si longtemps. Son esprit n’était qu’une brume et ses souvenirs s’y perdaient, et quand bien même elle avait croisé des gens et des moments dignes d’être gardés en mémoire, aucun n’aurait pu lui être d’un quelconque secours à cet instant. Y a-t-il quelqu’un, quelque chose qui pourrait m’aider à me sortir de la merde dans laquelle je me suis fourrée? »
« Maben se demanda à qui elle aurait pu adresser ses reproches, mais ne trouva pas d’autre coupable qu’elle-même. »
« C’était trop. (…) Cet homme qui paraissait faire tout son possible pour les aider sans rien demander en retour. Elle n’était pas habituée à ça. Quelque chose pour rien. Pas dans son monde. Et au creux de cette vaste nuit silencieuse elle était en train de décider qu’il fallait décamper avant que le vent ne tourne. Peu importe ce qu’ils t’offrent à manger et les sourires aimables et peu importe qu’il se mette en quatre pour te venir en aide, ça va pas durer et tu le sais parfaitement. Reste pas là assise sur ton cul comme une conne en attendant que le sol se dérobe sous tes pieds. »
Note: 4/5
J’avais eu un goût de trop peu avec une pluie sans fin, je n’étais pas satisfaite, alors, je vais hésiter pour celui-ci ! 😀
D’un premier roman, on ne peut espérer qu’une progression positive, non? Laisse de côté ton pessimisme! :p
Bon, c’est bien parce que c’est toi…. mais depuis que je suis en âge de comprendre, j’ai compris que les politiciens n’avaient jamais de progression positive… les auteurs oui ?? 😆 Je sors.
Mettre les politiciens dans le même panier que les auteurs? Mmmhhh tu risques de ne pas te faire d’amis! 3:) Je préfère placer ma confiance dans les auteurs et penser qu’ils se bonifient comme le bon vin! On n’est pas à l’abri qu’ils tournent au vinaigre, certes, mais les politiciens, c’est mort dès le départ! 😀
Oups ! Je ne pense pas que l’auteur me lira, de plus, tu as raison, on sait que les politiciens ne bonifient jamais, les auteurs oui. 😉 Et on sait aussi qu’ils peuvent faire le roman de trop, ou se planter et nous servir une daube 5 étoiles.
Les politiciens, ils ne sont là que pour s’enrichir et nous baiser ! Ils nous baisent bien, entre nous.
Tu as remarqué que certains auteurs « confirmés » s’endorment sur leurs lauriers alors que d’autres prennent sans cesse des risques? 😮 Confirmé ou pas, chez moi, ça ne pardonne pas! 3:)
Prendre des risques peut se révéler payant mais on peut aussi bouffer son pain noir. Il est plus aisé de faire toujours le même que de se changer. La prise de risque n’est pas toujours payante, mais ils auront eu le mérite de se lancer.
J’aime les prises de risque livresques, même si le résultat ne me convient pas. Cela prouve que l’auteur ne se contente pas de ses royalties! ^_^
Il en existe encore ?? oui, sans doute, et heureusement !