
Collectif – Crimes au musée (2017)
4ème de couv’…
Le lecteur de polars est généralement quelqu’un qui aime voyager.
Sur les traces de son auteur préféré, dans la ville fétiche d’un écrivain ou dans des endroits qui lui rappellent son roman favori, il se permet souvent une visite au musée. Peut-on imaginer des crimes dans ces lieux de culture, d’histoire, d’art et de conservation du cheminement de l’humanité?
Absolument!
Crimes passionnels, meurtres crapuleux, fabrication de faux…
Qu’on soit simples visiteurs ou touristes, bandits aux mains rougis par le sang ou engoncés dans un costume trois pièces, tous les coups sont permis!
Pour notre plus grand plaisir, les dix-huit écrivaines réunies ici relèvent haut la main le défi: elles s’approprient ces lieux où le calme règne et en font, chacune à sa délicieuse façon, la scène d’un crime.
Elles dénaturent ce monde de tous les imaginaires en transformant les œuvres qui s’y trouvent en témoins de la violence, de l’horrible et du machiavélique.
Mon ressenti de lecture…
Je remercie tout d’abord NetGalley et les éditions Belfond pour l’envoi de ce recueil de nouvelles.
Crimes au musée est le troisième recueil autour du polar, à l’initiative d’un blogueur québécois passionné, Richard Migneault.
Mais alors que les deux premiers, Crimes à la librairie et Crimes à la bibliothèque, réunissaient essentiellement des auteurs du Québec, ce troisième volet a traversé l’océan, pour le plaisir des lecteurs certes, mais aussi pour solliciter l’imagination fertile de quelques uns de nos auteurs belges et français, de concert avec des voix québécoises.
L’occasion de découvrir des plumes féminines peu connues car oui, en effet, vous avez le plaisir de lire les femmes et rien que les femmes du crime.
Richard Migneault titille votre intérêt pour l’auteur qui vient de poser le point final de sa nouvelle en écrivant quelques mots sur sa personnalité et son parcours et vous donne envie d’en savoir davantage sur ses écrits. Très intéressant, surtout pour les auteurs du Québec que nous ne connaissons que très peu voire pas du tout.
Il est toujours difficile de donner une « note » globale pour un recueil quand certaines histoires nous ont davantage marqués que d’autres.
Que le musée soit le théâtre de crimes ou que, par extension, l’art en soit le mobile, ces dames ont su nous offrir 18 nouvelles originales et totalement différentes les unes des autres, nous plongeant à chaque fois dans des univers uniques.
L’ombre d’Alphonse de Danielle Thiéry nous entraîne dans un musée où la fascination pour Alphonse Bertillon, fondateur du système anthropométrique judiciaire, suscite, bien au-delà de la mort, passion et crime. Ce qui peut nous sembler absurde est une obsession pour un autre, histoire cocasse si le sang n’avait pas été versé!
Il faut savoir se salir les mains de Claudia Larochelle où quand l’art est poussé à l’extrême, voire à la folie. Méfiez-vous si votre conjoint est un artiste, l’auteur suggère fortement mais l’étude de la personnalité de l’artiste ne laisse aucun doute! Machiavélique!
Le chef d’œuvre de Dominique Sylvain explore le monde du tatouage alors que l’art est vivant et peut même survivre à la mort au travers de sa toile humaine. Une ambiance un peu glauque mais savoureuse dans sa morbidité.
L’intérieur de Karine Giebel est une nouvelle violente dans son analyse sociale du marché du travail actuel, alors que les plus faibles de notre société alimentent le nouvel esclavage moderne, juste pour survivre. Et quand la victime est une maman célibataire, on lit cette nouvelle malheureusement pas si fictionnelle que cela avec la rage au ventre.
Les météores saignent d’Ariane Gélinas nous parlent d’une artiste ratée, qui tel un guerrier buvant le sang de ses victimes pour en acquérir la force, puise chez ses conquêtes le talent qu’elle n’a pas. Une nouvelle noire ironique, délectable et… glaciale!
Mobster’s Memories d’Andrée A. Michaud est une histoire rocambolesque où les balles pleuvent dans une course-poursuite folle et se termine dans une salle de musée où réalité et mise en scène s’entremêlent. Difficile de ne pas avoir le sourire avec cette nouvelle!
Avec Charogne de Marie Vindy, nous nous glissons dans la mort esthétique inspirée d’un tableau, une mise en scène d’une fin en apothéose de deux amants qui obsédera même l’inspecteur venu enquête et tombé sur le charme de tant de beauté. Ironie de l’adultère, ne jamais sous-estimer le cocu!
Le Christ couronné d’épines de Catherine Lafrance ou quand certains se permettent quelques privautés sous couvert de culture, d’œuvres d’art et de mille précautions pour leur préservation! Une petite enquête rapide mais rudement efficace pour élucider la mort de trois conservateurs de musée!
Dentelles et dragons d’Elena Piacentini est une magnifique nouvelle sur les liens forts et profonds entre un fils et sa mère. Certes les broderies si délicates sont un peu gâchées par le sang mais la vengeance, c’est aussi tout un art, non?
Le second linceul d’Ingrid Desjours nous entraînent dans la vie des poupées de cire. Comment? Elles ne vivent pas? Vous êtes certains? C’est que vous ne connaissez pas Ingrid Desjours alors! Une petite pointe de mystère et de fantastique au creux du musée Grévin!
La Mort à ciel ouvert de Florence Meney met en scène un couple déséquilibré, usé, de faux-semblants. Il y a diverses manières de rompre, différentes solutions pour en finir. Mais celui qui semble avoir les cartes en mains devrait attention à la marche… les pierres s’usent tellement au fil des décennies sous les pas des visiteurs d’un musée à ciel ouvert! Excellent et jouissif de voir qu’amour et haine sont étroitement liés!
L’art du crime de Barbara Abel nous parle d’un triangle amoureux où l’adultère conduit à la mort. Le musée d’Art contemporain devait consacrer la grande artiste Vera Charlier, la maîtresse de Monsieur le maire… mais un si jeune innocent qui fera les gros titres. Une nouvelle cruelle et sombre… Les adultes sont parfois si stupides et égoïstes…
Homme à la machette de Geneviève Lefebvre évoque les massacres ethniques en Afrique avec force et pudeur. Et quoi de mieux qu’un musée racontant la genèse des génocides à travers le monde pour réaliser la vengeance qui couve depuis tant d’années. Une nouvelle sombre, dure et particulièrement prenante!
La vieille de Martine Latulippe est une nouvelle qui m’a beaucoup émue. De part l’amour et la relation étroite qui lient une mère à son fils, de ce fil invisible unique, indestructible et intouchable. Et parce que je me suis identifiée à cette vieille dame qui ne peut pas profiter en paix de sa visite au musée à cause d’une bourgeoise atteinte de diarrhée verbale! Allons! L’art, ce n’est pas du blabla saoulant, c’est du sérieux que diantre!
La mystérieuse affaire du Codex Maya de Stéphanie de Mecquenem est un huis-clos à la Agatha Christie où chacun pourrait être le coupable mais nous savons bien qu’il n’y en a qu’un seul… encore faut-il le trouver! Et que ne ferait-on pas pour avoir tous les honneurs d’une fabuleuse découverte! Intrigue classique et efficace.
Renaissance de Nathalie Hug est touchant dans le rapport maternel difficile qu’entretient une artiste avec son fils. Il n’est pas rare de rencontrer des artistes qui se dévouent totalement à leur art au point de se dire ou qu’on dise d’eux qu’ils sont difficiles à vivre. Et lorsque c’est un enfant qui en paye le prix, il ne faut guère s’étonner qu’il se trouve de l’attention… ailleurs! Une nouvelle mystérieuse et flippante!
Un thé pour le gaijin de Claire Cooke. Boire du thé c’est dangereux… super dangereux. La cérémonie du thé au Japon répond à de multiples codes… c’est tout un art et malheur à celui qui y déroge! Un voyage nippon aux côtés d’une geisha qui ne s’épanouira jamais. Dépaysement total!
Le retraité de Marie-Chantale Gariépy est jouissif d’ironie! Un vieil monsieur si paisible en apparence, englué dans ses petites habitudes, se laisse entraîner dans le musée de sa vie. Passé, présent mais que lui réserve l’avenir?
Ce recueil de nouvelles est idéal, par son format, pour les vacances. Il est idéal également pour découvrir de nouvelles plumes et pour dépoussiérer un peu les clichés que trop d’entre vous se font des musées que vous rencontrerez sur la route de vos voyages… ils vous réservent quelques surprises…
Mention spéciale pour les nouvelles de Karine Giébel, Elena Piacentini et Martine Latulippe que j’ai adorées!
18 nouvelles, 18 auteurs de talent et 18 personnalités féminines à découvrir! 18 femmes rien que pour vous mais… attention, elles sont redoutables!
Citations…
« Léon Malet se met à marcher de long en large. À boiter, plutôt, de long en large. Il traîne la jambe comme sans doute il a traîné son courroux, sa maladie d’amour. »
L’ombre d’Alphonse de Danielle Thiéry.
« Pour supporter la jalousie qu’elles suscitent, elles doivent se parer d’une carapace complexe, capable de protéger la chair, le cœur, le ventre et l’âme en même temps. Sinon, meurtries, elles s’extirpent des flots, les yeux pareils à ceux de poissons morts qu’on viendrait d’hameçonner. Celles qui craignent les remous se terrent dans leurs cuisines à l’abri des médisances, et cuisinent des gâteaux et des potages jusqu’à en mourir. L’ennui et l’asservissement tuent au final bien plus sournoisement que les couches protectrices qui coupent le souffle de celles qui se maintiennent sur le champ de bataille de l’ambition et de la réussite. Un tablier de cuisinière n’a jamais sauvé autre chose que les beaux vêtements. Il faut savoir se salir les mains. »
Il faut savoir se salir les mains de Claudia Larochelle.
« Mais non, tu tombes bien. Le projet de ta vie qui rencontre l’heure de ma mort. (…) Sa vie, il l’avait choisie. Sa mort, il la choisirait aussi. »
Le chef d’œuvre de Dominique Sylvain.
« La vie continue, la sienne s’est arrêtée. Elle a l’impression que tous les passagers la fixent. Qu’ils savent, eux aussi. »
L’intérieur de Karine Giébel.
« La surface a englouti la peur. Je suis soulagée d’avoir, pour une fois, su la vaincre. »
Les météores saignent d’Ariane Gélinas
« Mes forces me revenaient enfin et j’étais un homme prêt à tout pour ne pas expirer entre deux urinoirs. »
Mobster’s Memories d’Andrée A. Michaud.
« Il fait sombre à l’intérieur, les vitrines ne sont pas éclairées, les espaces sont étroits et encombrés comme si le destin étriqué de ce musée miniature était de ne jamais pouvoir contenir toutes les merveilles qu’il prétendait offrir au public. »
Charogne de Marie Vindy.
« Il vit défiler des images de caissons qui servaient au transport des œuvres; des boîtes en bois étroites, qu’on glissait dans d’autres boîtes plus grandes, qui elles-mêmes entraient dans d’autres boîtes. de véritables poupées russes. »
Le Chris couronné d’épines de Catherine Lafrance.
« Tout est possible, vrai et faux à la fois. Notre perception du réel n’est qu’une rosée volatile aux reflets irisés. Une cueillette d’illusions. Ce qui rampe sous la surface, cependant, tisse en nous des motifs aussi puissants qu’invisibles. Les secrets du passé possèdent les propriétés mécaniques de l’eau. Ils perlent et affleurent par le plus petit interstice. Il est vain de chercher à leur faire barrage. »
Dentelles et dragons d’Elena Piacentini.
« Il faut dire qu’Ania a été privée d’affection maternelle. Les jours fastes, sa génitrice l’ignorait. Les autres, elle distribuait son désamour avec des largesses venimeuses. »
Dentelles et dragons d’Elena Piacentini.
« (Elle) avait porté sa souffrance avec l’acceptation soumise de celles pour qui l’injustice n’est pas un mauvais coup du sort, mais une fatalité, voire une condition. »
Dentelles et dragons d’Elena Piacentini.
« Il m’a dit que la mort remettait les compteurs à zéro. Plus de hiérarchie. Mais que s’il fallait en établir une, alors, priorité aux faibles et aux oubliés. C’est à eux que notre boulot doit redonner la parole, à ceux que la vie a rendus inaudibles. »
Dentelles et dragons d’Elena Piacentini.
« Il ne peut s’empêcher de penser à cette phrase empruntée à Lamartine, et que lui répétait souvent sa mère: « L’oubli, c’est le second linceul des morts. » Alors, l’humble petit employé du musée Grévin soulève délicatement la statue et la prend dans ses bras, comme on porte un être cher, avant de se diriger d’un pas lourd vers le débarras. »
Le second linceul d’Ingrid Desjours.
« Elle l’avait sifflé, comme un petit toutou obéissant, et il était venu au galop, la queue entre les jambes. Aux pieds de sa maîtresse. »
La mort à ciel ouvert de Florence Meney.
« Le résultat est loin d’être réjouissant, pourtant elle ne fera rien pour l’améliorer. Le combat est perdu d’avance, elle le sait. Elle sait surtout que Vera sera époustouflante, alors à quoi bon? »
L’art du crime de Barbara Abel.
« (…) la victime s’était défendue, elle ne voulait pas mourir. Ils étaient rares ceux qui acceptaient. Même les vieux. Même les affaiblis. Même les souffrants. Il y avait toujours ce sursaut désespéré, cette volonté de vivre, cette rébellion face à l’heure venue trop vite. L’espoir maudit d’une intervention divine. »
Homme à la machette de Geneviève Lefebvre
« Tu étais partout, et pourtant ton absence me faisait mal.
La vieille de Martine Latulippe.
Note: 3/5
J’adore la phrase de Lamartine !!! Bon, c’est pas tout ça, mais pas le temps de le lire !! Je passerai mon tour.
Speedy, ralentis un peu! 😉
Pas moyen !
Bizarre, tu me fais penser à quelqu’un! :p
😀