À sa place – Ann Morgan

Ann Morgan - À sa place (2017)

Ann Morgan – À sa place (2017)

4ème de couv’…

De l’avis général, Helen et Ellie, de vraies jumelles, se ressemblent « comme deux gouttes d’eau ». Un jour, Helen décide de jouer un jeu à son entourage: l’une se fera passer pour l’autre, pour voir…

Les deux soeurs échangent leurs habits, leur coiffure, répètent leur rôle. La farce fonctionne à la perfection: même leur mère n’y voit que du feu!

Mais lorsque Ellie refuse de reprendre sa place, le cauchemar d’Helen commence.
Sa vie ne sera plus désormais qu’une suite de malentendus qui la mènera au bord du gouffre et aux limites de la loi.

Huit ans plus tard, Ellie, devenue présentatrice vedette du petit écran, se trouve à l’hôpital dans le coma.

C’est pour Helen l’occasion de régler ses comptes avec le passé ainsi qu’avec sa mère, une femme prête à tout pour sauver les apparences.

Mon ressenti de lecture…

Je remercie tout d’abord NetGalley et Les presses de la cité pour l’envoi de ce roman.

J’avais un peu peur, je l’avoue. Le thème de la gémellité n’est pas très original et j’avais déjà envie de coller des tartes à la fille sur la couv’, avec son regard sournois narguant le lecteur!

Nous avons tous chacun à cœur, je pense, d’être perçu pour ce que nous sommes: un individu à part entière. Pas la fille ou le fils de, pas la femme ou le mari de. Non. Nous sommes chacun une entité unique, une individualité qui dès les premières heures de la vie cherche à s’affirmer. Nos géniteurs nous donnent un prénom, il est le réceptacle de nos preuves d’existence et il nous appartient pour toute la vie.

Oui mais que se passe-t-il lorsqu’on nous enlève ce prénom et tout ce qui lui est attaché? Lorsqu’on nous enferme dans l’identité d’un autre?
C’est ce que raconte Ann Morgan dans ce roman: le problème identitaire, le piège des apparences.

Le parcours d’Helen me fait penser aux différents stades d’acceptation du deuil d’un proche. Choc, déni, colère, dépression, résignation, acceptation, reconstruction.
Du simple jeu anodin, Helen, la meneuse du duo de jumelles, se retrouve piégée: sa sœur si malléable et effacée, refuse de réintégrer sa place. C’est le choc.
Helen est une petite fille vive, intelligente et forte alors elle pense tout simplement que le monde extérieur va vite s’apercevoir de la supercherie, que le cours de la vie va reprendre normalement.
Mais non. Et là, c’est la colère! Tout d’abord dirigée vers les autres et ensuite vers elle-même ou plutôt celle que les autres veulent qu’elle soit. Sa descente aux enfers commence. Elle sera longue, jusqu’à sa vie d’adulte!
Elle s’inflige des horreurs, va au devant des problèmes, viols, drogues, crises psychotiques. Parce qu’à 6 ans, on est encore fragile, on ne peut malmener son cerveau sans que cela occasionne quelques dégâts par la suite, emprisonnée dans celle qu’on n’est pas!
La construction de l’ado est bancale, la vie d’adulte sur des fondations tordues ne peut être que fragile.
Elle a essayé, Helen, de se faire une petite vie tranquille entre job, amoureux et, pourquoi pas, un enfant. Mais son passé l’a rattrapée, la mise à terre de nouveau!
Elle s’est enfermée dans sa bulle, dans une dépression lente, une folie latente, la résignation d’une cohabitation impossible entre Helen et Ellie. D’ailleurs, elle parle d’elle comme étant « Smudge » la plupart du temps. Elle s’est perdue Helen et elle n’a pas trouvé non plus Ellie car elle n’est pas Ellie. Smudge est une épave.
Les étapes auront été lentes et douloureuses pour Helen. Acceptation et reconstruction arrivent enfin, mais à quel prix!

C’est un roman qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Beaucoup de lenteurs, un flirt avec la folie et l’auto-destruction. Une histoire familiale lourde de conséquences. Et des personnalités pas vraiment sympathiques. Une gémellité rendue toxique par ce changement de prénoms, alors même que se construire sainement une personnalité avec l’omniprésence d’un jumeau est déjà un challenge de tous les jours.

C’est un roman sur la difficulté à être soi, à s’assumer certes mais aussi à s’assumer dans la confrontation à l’autre quand l’autre vous rejette.
Helen a été rejetée de toutes parts, a même essayé par tous les moyens de se rejeter elle-même.
Et la morale de cette histoire n’est-elle pas de baisser les armes, d’accueillir en soi comme un cadeau qui on est réellement et profondément et au diable les autres?!?

J’aurais préféré que l’auteur choisisse deux prénoms avec une sonorité plus opposée car quand le lecteur est plongé dans les désordres psychologiques de Smudge, Ellie-Helen, Helen-Ellie, parfois, la focale est un peu hard!

J’ai beaucoup aimé l’approche de la création artistique comme catharsis et accomplissement de soi. Créer, c’est sortir des lapins de son chapeau, se purger d’un passé traumatisant, c’est exprimer ce qui se cache au fond de son cœur et de son âme, créer ce sont des mots que l’on ne prononcera jamais.
Helen a trouvé dans l’art le moyen de ne pas totalement sombrer, de se trouver et, pourquoi pas, un jour, d’être enfin heureuse!

Une lecture difficile et sombre dans ce qu’elle suscite, brutale dans la descente réelle aux enfers de Smudge mais un roman psychologique réussi et addictif. Une découverte très sympa!

Citations…

« Aujourd’hui, je vais te raconter une histoire. Sauf que je ne dirai pas les mots compliqués, parce que autrement ton cerveau va avoir peur et puis il va aller se cacher tout au fond de ton crâne comme un escargot dans sa coquille. Et après on sera bien avancés. »

« Tu apprends que les jours, les heures et les minutes sont des données arbitraires, inventées pour culpabiliser les gens. Pour leur imposer le sentiment du devoir accompli et les obliger à courir perpétuellement après le temps et à le perdre à jamais. »

« Lorsque tu lèves la tête, le monde est terne. Le ciel semble recouvert d’un voile blanchâtre, comme un œil malade. La bise palpe ton cou de ses doigts glacés, des doigts qui d’un instant à l’autre vont se refermer sur toi et te renvoyer au chaos et aux ténèbres. »

« Elle aurait aimé pouvoir lui répondre, mais elle n’avait pas les mots pour expliquer l’océan d’indifférence sur lequel elle dérivait depuis trop longtemps, secouée de temps en temps par une tempête de rage et de douleur. Elle ferma les yeux. »

« Tu comprends soudain qu’une œuvre d’art peut être à la fois quelque chose de codé, de très personnel, et parler aux autres. »

« (…) mais sa peau était devenue presque translucide, révélant les veines et les tendons, exposant ses rouages au monde. »

Note: 4/5

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