
Tana French – L’invité sans visage (2017)
4ème de couv’…
Pour l’inspectrice Antoinette Conway, intégrer la brigade criminelle de Dublin est un rêve qui se transforme vite en cauchemar. Son quotidien est fait d’affaires ingrates, de plaisanteries cruelles et de harcèlement. Antoinette a beau être solide, elle approche du point de rupture. Seul son partenaire, Stephen Moran, apprécie sa présence.
Leur nouvelle enquête ressemble à une histoire d’amour qui a mal tourné. Aislinn Murray, jolie blonde bien sous tous rapports, est retrouvée assassinée chez elle, au pied d’une table dressée pour un dîner romantique. Rien ne semble suspect dans le passé de la victime. Le seul élément qui trouble Antoinette est la conviction de l’avoir déjà vue quelque part. Les autres inspecteurs poussent Antoinette et Stephen à arrêter le fiancé d’Aislinn, coupable tout désigné. Mais quand une amie de la défunte avoue à demi-mot qu’elle savait Aislinn en danger depuis quelque temps déjà, sa mort prend une tournure bien moins banale, et dévoile une part beaucoup plus sombre de la belle. De découverte en découverte, l’image de la poupée parfaite semble se fissurer, tout en mettant Antoinette au centre de l’énigme…
Mais est-ce le harcèlement qu’Antoinette subit qui la rend paranoïaque? Est-elle encore clairvoyante dans cette affaire qui semble plus obscure et trompeuse qu’elle n’y paraît sous le vernis poli des apparences?
Mon ressenti de lecture…
Je remercie tout d’abord NetGalley et les éditions Calmann-Levy pour l’envoi de ce roman.
Antoinette Conway rêvait de travaillait à la Crim’ mais c’est un cauchemar: le simple bizutage s’est transformé en harcèlement et la ‘toinette a beau avoir un fort caractère, elle n’en peut plus.
Aislinn Murray pensait passer une délicieuse soirée en amoureux mais elle est retrouvée morte au petit matin.
Qu’est-ce qui relie ces deux femmes?
Antoinette et son coéquipier, Stephen Moran, sont en charge de cette enquête et la tâche se révèle simple et limpide. Mais c’est sans compter l’imagination débordante de Moran, les chausse-trappes posées sur le chemin des inspecteurs et la paranoïa de plus en plus pesante de Conway.
On retrouve le duo de flics Moran/Conway qui avait déjà sévi dans La cour des secrets.
Conway est à vif, sans cesse sur le qui-vive, alors que Moran tempère sans cesse ses ardeurs mais pas son imagination débordante.
L’invité sans visage est un pur polar. Nous sommes totalement immergés dans la vie quotidienne des flics au cours d’une enquête et dans leur « intimité » professionnelle.
Les romans de Tana French ressemblent d’ailleurs aux séries style 24h chrono ou 24: Legacy, quand l’action est vécue en temps réel.
Ils y ressemblent, mais le rythme en moins.
C’est le principal reproche que je relève systématiquement dans mes lectures-polar, un manque de rythme qui ne me convient pas mais qui ne m’empêche tout de même pas de savourer la qualité de la plume de certains auteurs comme Tana French.
Des romans de 500 pages qui peuvent parfois sembler longs et lents donc, si le talent de l’auteur ne résidait pas dans la psychologie fouillée et incisive de chacun de ses personnages.
C’est le point fort de cet auteur: la psychologie. Que ce soit celle de nos enquêteurs ou du point de vue de la victimologie, rien ne nous est épargné: le lecteur est au plus près des êtres humains.
Comme nous sommes également au plus près de la vie quotidienne de ces flics dont la cohabitation peut s’avérer être très éloignée de l’esprit de corps qui leur attribue en règle générale. Et non, la loyauté ne va pas de soi et Conway en paye le prix chaque jour.
L’enquête est dense. Nous avons droit à tout ce qui traverse l’esprit tordu des flics: toutes les hypothèses, toutes les pistes possibles et parfois inimaginables.
Oui, les flics sont tordus!
Avec eux, la plus innocente des personnes lambdas peut ressortir d’un interrogatoire totalement remuée et aux portes d’une inculpation!
D’ailleurs les méthodes d’interrogatoire apparaissent davantage comme des séances de torture et de manipulation psychologique que comme une quête de la vérité!
Et le mal-être de Conway amplifie ce phénomène de manipulation quand celle-ci pense sans cesse que chacun de ses collègues est là pour la descendre en flèche et lui mettre des bâtons dans les roues. Elle s’isole, se sent seule, toujours à l’affût du traquenard qui pourrait la faire chuter. Elle est borderline et même Moran va essuyer les plâtres de cette tension insupportable.
Et comme si l’ambiance toxique de son travail ne suffisait pas, Conway se retrouve confrontée à son passé et à ce qu’elle nie encore aujourd’hui farouchement. Tout comme la victime, Aislinn, qui, elle, a décidé d’affronter son manque, sa blessure d’enfance mais dont l’issue sera malheureusement fatale.
C’est donc une lecture sous haute tension qui vous attend avec L’invité sans visage. Les amateurs de polar seront ravis d’assembler patiemment les morceaux de ce puzzle criminel!
Citations…
« Personne n’a besoin d’être en couple. Ce dont les gens ont besoin, c’est de bon sens pour s’en apercevoir (…) La vérité, la voilà: celui qui n’existe pas sans avoir besoin de personne n’existe pas du tout. »
« Les seuls meurtres qu’on remarque avant le lever du jour sont perpétrés par des crétins d’alcooliques dont le seul mobile est qu’ils sont crétins et alcooliques. »
« Si j’ai appris quelque chose à l’école, c’est bien ça : ne jamais leur donner l’occasion de vous écraser tout en bas du panier — vous risquez de ne jamais pouvoir remonter. »
« Elle était surexcitée. On aurait dit qu’elle venait de sortir d’un long coma et qu’elle n’en revenait pas de la clarté du soleil. »
« J’habite à l’intérieur de ma peau. Tout ce qui se passe en dehors ne change rien à qui je suis. Je n’en suis pas fière. Mais en ce qui me concerne, c’est le minimum vital pour pouvoir s’appeler un adulte, dans le même ordre d’idée que savoir faire soi-même sa lessive et changer un rouleau de papier toilette. »
« (…) Les jeunes de nos jours, je te jure. Plus aucun respect.
— Oooh, Gar. T’inquiète pas. Je te respecte, moi.
— Au moins, tu ne te fous pas de ma prostate. Il ne faut pas rire de la prostate d’un homme. C’est déplacé.
— Pas de coup bas, hein?
— Nom de nom. C’est votre sens de l’humour à la Crim’? (…) »
« Qui dit qu’on se porte à votre secours, dit qu’on vous possède. Rien à voir avec le fait d’être redevable envers la personne; ça peut s’arranger avec assez de faveurs rendues et de bouteilles d’alcool enrubannées. Si elle vous possède, c’est parce que vous n’êtes plus le personnage principal de votre histoire. Vous devenez le pauvre loser, alias la petite chose fragile sauvée du danger, du déshonneur et de l’humiliation par un super héros courageux au grand cœur. Le maestro de votre histoire, c’est lui, désormais. »
Note: 4/5
Merci pour cette excellente chronique, ça m’a donné envie !
Hello Kirsteen! Alors je te souhaite une bonne lecture et curieuse d’avoir ton avis! 😀
Très belle chronique qui donne envie ! 😉
Merci Claude! Et bonne lecture! 🙂
Tana French, il me semble que je l’ai déjà lue, mais je ne me souviens plus… en tout cas, je note celui-ci ! Je ne promets pas que je le lirai (le temps !!!), mais il sera inscrit dans les annales 😉
Alors peut-être qu’un jour, il verra la lumière! 3:)
Fiat lux… 😀
:p
J’aurais préféré « Audi Luxe »…
Le luxe, le luxe… c’est surfait! 😉