16 ans après – David Ellis

David Ellis - 16 ans après4ème de couv’…

1989. Six jeunes filles sont assassinées sur le campus d’une petite ville américaine. Paul Riley, jeune assistant du procureur, mène une enquête efficace qui le conduit vite au coupable. Preuves accablantes, absence d’alibi, aveux… l’assassin est condamné à mort.

2005. Paul Riley travaille désormais pour un important cabinet privé d’avocats d’affaires dirigé par Harland Bentley, dont la fille faisait partie des victimes du campus.

Lorsqu’une nouvelle vague de crimes endeuille la ville, Riley, troublé, ne peut s’empêcher de faire le lien avec l’affaire qui l’a rendu célèbre seize ans plus tôt.

Avait-il alors fait fausse route? L’homme qu’il a fait exécuter était-il vraiment le coupable? Tiraillé par le doute, il reprend son enquête de l’époque. Un élément crucial n’aurait-il pas été négligé?

Or, les secrets sont nombreux autour de lui et, semble-t-il, personne n’a intérêt à le voir ainsi remuer le passé…

Mon ressenti de lecture…

Tout d’abord, je remercie Babelio et les éditions du Cherche midi pour l’envoi de ce roman.

Six corps féminins atrocement mutilés répondant vers par vers à la première strophe d’une chanson étudiée dans une université des environs.

L’auteur de ce ramassis d’horreurs s’est suicidé mais pas celui des meurtres.

Une enquête rondement menée en quelques heures seulement.

Facile, trop facile.

Un serial killer débusqué sans grandes difficultés, des preuves « béton » à son domicile, ses aveux, pas d’alibi, une démence qui ne fera pas le poids face à ses calculs pour ne pas se faire remarquer et frapper au même endroit.

Et Paul Riley, assistant du procureur du conté, n’a pas grand effort à fournir pour obtenir la peine de mort sur la personne de Terry Burgos.

16 ans.

16 ans ont passé et Terry Burgos n’est plus de ce monde.

La justice a été rendue.

Paul Riley est passé dans le privé, a vu sa carrière décoller avec la clientèle de Harland Bentley, père richissime d’une des victimes de Burgos, Cassie.

Il a tout pour être heureux et satisfait.

Si ce n’est que d’étranges messages lui parviennent. Que des morts commencent à surgir. Des morts qui exhument l’affaire Burgos.

16 ans auparavant, tout avait été aisé, logique et carré. Mais aujourd’hui, Paul Riley n’en est plus certain. De nouveaux éléments le poussent à s’impliquer, à fouiller, à enquêter, parfois en solo, parfois en association avec le duo de flics McDermott et Stoletti.

16 ans auparavant, c’était limpide… cela n’aurait pas dû…

16 ans après est le 3ème roman de David Ellis, traduit et publié en France. Trois. Trop peu à mon goût, quand on sait qu’il en existe en douzaine, ainsi que trois collaborations avec James Patterson.

David Ellis est avocat à la base et exerce toujours, en parallèle de sa production littéraire… et on le sent. Il écrit des thrillers judiciaires et ses romans transpirent son métier à chaque page, dans la précision des rouages, des techniques, des roueries, dans les incohérences et les problèmes d’éthique, dans les enchevêtrements typiquement américains de la politique et du judiciaire.

Et c’est passionnant. Captivant. Flippant aussi.

Il écrit avec la précision du scalpel sur ce qu’il connaît bien et pratique au quotidien.

Bref, un cocktail littéraire des plus savoureux quand ces ingrédients sont associés à une intrigue riche et pas si évidente que ça.

On est happé dès les premières pages du roman, même si le démarrage est assez mondain et blasé puisque Paul Riley nage dans le luxe, les cocktails et une certaine aisance placide.

On s’attend à ce que la culpabilité du condamné, Terry Burgos, soit remise en question, dans une trame tout à fait classique… Mais que nenni, c’est beaucoup plus compliqué que ça: de nouvelles questions se posent alors qu’une jeune journaliste aux dents longues dépoussière le dossier, explore une piste non exploitée à l’époque, trouve la mort et interpelle par là même sa mère, journaliste à succès ayant travaillé sur le cas originel et qui sollicite immédiatement Paul Riley.

Des flashbacks situent les différents personnages à l’époque, analysent l’affaire en son temps, posent le parcours de chacun et ce qu’ils sont devenus et donnent une vue d’ensemble des scénarios possibles autour de ces nouveaux meurtres.

Vrai coupable? Copycat? Ou quelque chose de plus retors que cela?

Papa Bentley, aux mœurs légères, est-il totalement étranger à ce drame? Est-ce l’oeuvre d’un « simple » fou serial killer? Et ce prof de fac, un peu trop familier avec ses élèves, Frank Albany… quel est son rôle dans toute cette affaire?

Plusieurs suspects possibles… même Paul Riley n’y échappe pas.

J’ai adoré suivre cette enquête où les secrets de famille, les travers des gens riches et la folie des hommes troublent à loisir les plus vertueux en les plongeant dans des situations morales inextricables, jouent de leurs influences pour manipuler l’autre.

J’ai beaucoup apprécié le personnage de Paul Riley, l’avocat, qui aurait très bien pu fermer les yeux, ignorer les faits et indices nouveaux et rester vautré confortablement dans sa réussite d’avocat d’affaires.

Mais non, il a une conscience, il a soif de vérité, il ne veut pas vivre avec une erreur éventuelle dans son parcours. Il a des valeurs morales et une certaine vision de la justice qui parfois ne s’accorde pas avec les textes ou les luttes d’influence politique. Et malgré les sacrifices potentiels pour sa carrière… et son compte en banque, il va persévérer, chercher et connaître le fin mot de l’histoire.

Tout comme j’ai admiré le personnage de McDermott, qui se bat avec ses démons et traumatismes perso, mais sans jamais faillir dans son job d’enquêteur. Lui aussi a une conscience, un instinct, qu’il laisse s’exprimer au détriment de la logique de flic. Tour à tour allié et adversaire de Paul Riley, quand le doute et la suspicion des faits prennent le pas sur l’élan spontané de confiance, ces deux hommes se respectent.

Les personnages de Paul Riley et de Joel Lightner, son collègue, apparaissaient dans Caché, le roman précédent, aux côtés de Jason Kovarich. C’est agréable de suivre ainsi des personnages, par des clins d’oeil discrets. Peut-être qu’ils se rencontreront de nouveau dans un prochain roman, ce serait du grand spectacle à mon avis…

L’auteur a su, également, dépeindre les relations parents-enfants dans la victimologie de Cassie, une des premières victimes. Ou quand les actes d’un père ou d’une mère peuvent détruire sa chair et son sang, lui faire perdre la tête, être le terreau de son malheur. Ou quand un père ou une mère ne recule devant rien pour protéger et sauver son enfant. Les apparences sont trompeuses: un loup arrogant peut être doux comme un agneau, l’eau calme et claire peut être tempétueuse et assassine.

Avec le personnage de Leo Koslenko, accueilli dans la famille Bentley alors qu’il était tout jeune encore, au passé obscur, c’est une plongée dans la Russie du temps du KGB mais aussi dans le brouillard des troubles mentaux, des raisonnements et du monde d’un homme en apparence banal. Le suivre dans ses pérégrinations est assez perturbant, tant sa manière d’appréhender l’environnement est éloigné de la nôtre, tant il évolue d’une manière apparemment classique et passive alors que tout, chez lui, est calcul et anticipation.

Entre les sauts dans le passé et les changements de narrateurs offrant une large perspective des événements, le rythme de ce thriller reste dynamique tout en laissant l’opportunité au lecteur de chercher en même temps que les enquêteurs, de digérer les infos, les analyser et construire sa propre théorie…

Mon coup de cœur pour cet auteur, découvert avec Caché, se confirme donc avec 16 ans après… un bon thriller judiciaire qui m’a attrapé dès les premières pages pour me lâcher seulement à la dernière. Les personnages ont leurs failles, ne sont pas des Rambo en puissance, mais ils sont pugnaces et ont du caractère. L’intrigue est bien menée, nous balade en fausses pistes tout en faisant évoluer habilement la trame principale vers un dénouement surprenant même si, un lecteur attentif a senti l’odeur de la culpabilité quelques chapitres auparavant.

Bref, une très bonne lecture pour ma part, que je recommande à tous les fans du genre!

Citations…

« Il observe sa fille sans rien dire, s’étonnant de ce qu’un homme confronté à des criminels violents et à des scènes de crime épouvantables puisse se sentir à ce point nu, à ce point complètement vulnérable et terrifié devant cette petite demoiselle de 7 ans. »

« Vous pouvez tuer un corps. Vous ne pouvez pas tuer la vérité. »

« A ce stade de ma carrière, mon boulot consiste à 95% à superviser celui des autres. »

« Lorsque j’arrive au bureau, je suis à peu près convaincu qu’une armée de nains miniature a élu domicile dans mon crâne et pioche la surface de mon cerveau pour y trouver de l’or. »

« Le temps se compte en jours de la semaine pour les gens qui travaillent. Il se compte en semestres pour les étudiants. Je n’avais aucun de ces repères. Je ne travaillais pas et je n’allais pas en cours. C’étaient les vacances tous les jours (…) »

« Quand on a de l’argent, tout est facile. Rien n’est hors de portée. Alors on tend la main avec l’espoir de rencontrer une limite sous une forme ou une autre. On n’en trouve pas, alors on insiste, jusqu’à… jusqu’à être complètement dépassé. »

« Quand j’interroge un témoin, j’aime procéder dans le désordre, dans l’abstrait, de façon à ce qu’il ne sache pas où je vais. Puis je mets les morceaux bout à bout, à mon avantage, sans lui laisser le temps de réparer les dégâts. »

« Les gens confrontés à une douleur aussi vive ont besoin d’espoir. Rien ne peut leur ramener leur enfant, alors ils se fixent un objectif réalisable: faire payer le meurtrier. À défaut de dénouer la corde, il faut espérer que cela la desserrera. »

« Dans un interrogatoire, on attendait toujours le moment où tout basculerait. Parfois, il suffisait d’un rien. Sinon, cela devenait un jeu, et alors une foule de questions pouvait potentiellement ouvrir les vannes. Le rôle de l’interrogateur était de sonder le barrage à la recherche de la brèche. »

« Nos yeux nous en apprennent plus que nos oreilles ne peuvent jamais le faire. Les innocents sont souvent nerveux en garde à vue ; pas les coupables. »

« Ils vivent dans l’ignorance la plus complète. Ils n’ont pas encore tracé leur route. N’ont pas pris de décisions irrévocables. Ils ne savent rien du regret. »

« Elle me comprend mieux que je ne veux l’admettre. Elle me laisse une issue pour que je me sente grandi de la refuser. »

« Il n’avait pas laissé tomber. Il avait persévéré. Il était prêt à tirer un trait sur la consécration de sa carrière pour accéder à la vérité. »

« Il était intelligent et organisé. Les fondements de son monde étaient absurdes, mais ses actions au sein de ce monde ne l’étaient pas. Il savait exactement ce qu’il faisait. »

« Elle cherche vainement à dire quelque chose, mais chaque instant où elle ne répond pas est une réponse en soi. »

« Je sais faire la différence entre vouloir être avec quelqu’un et avoir peur de ne jamais être avec personne. Je sais faire la différence entre une personne qui m’aime et une personne qui est amoureuse de moi. »

« C’est le jeu. Le but est de l’emporter. Pas de faire triompher la vérité. Mon boulot n’a rien à voir avec la vérité. Ça l’a été. Mais je ne serai plus jamais procureur. »

Note: 4/5

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David Ellis (1967 - USA)

David Ellis (1967 – USA)

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