Lusitania – Claude Mossé

Claude Mossé - Lusitania4ème de couv’…

7 mai 1915. Dix mois après le début de la guerre, le luxueux paquebot britannique Lusitania est torpillé au large des côtes irlandaises par un sous-marin allemand. À son bord, effectuant la traversée New York-Liverpool, 1 959 passagers et membres d’équipage, dont la plupart sont noyés en dix-huit minutes…

Harry Wallace, représentant de la compagnie maritime propriétaire du navire, recueille les survivants et s’interroge: comment une torpille de faible puissance a-t-elle pu provoquer de tels ravages sur un bateau si gigantesque? Certains évoquent une seconde explosion, plus violente que la première. Les explications fournies ne sont pas suffisantes. Hanté par les corps qu’il a vus pendant des semaines s’échouer sur le rivage, Harry décide d’en avoir le cœur net.

Winston Churchill, Premier Lord de l’Amirauté, pourrait bien être impliqué dans cette catastrophe. Voulait-il se servir des victimes américaines pour contraindre les États-Unis à intervenir dans le conflit? Les rumeurs prétendent qu’il aurait fait remplir les cales de munitions, que des passagers clandestins se seraient trouvés à bord, peut-être même des lingots d’or… Harry parviendra-t-il à percer les secrets de ce mystérieux naufrage?

Inspiré de faits réels, ce roman retrace, cent ans après le drame, le destin tragique des passagers du Lusitania.

Mon ressenti de lecture…

Tout d’abord, merci à Babelio et aux éditions Fayard pour la découverte de ce roman, par le biais de la Masse Critique.

Nous sommes en 1912, la concurrence entre les compagnies maritimes pour la suprématie commerciale des mers est à son apogée avec la création de luxueux, rapides et modernes paquebots, les rois de la plaisance.

Si le naufrage du Titanic, avec ses 1.500 victimes lors du voyage inaugural de celui que la légende disait insubmersible, ébranle le monde, la navigation de plaisance ne faiblit pas.

Nous sommes en 1915, la guerre en Europe fait rage mais les transatlantiques offrent toujours à leur bord, luxe, calme et volupté à leur riche clientèle.

Les combats n’auraient dû toucher que les bateaux commerciaux ou de guerre.

Alors pourquoi le fleuron de la Cunard Line, théoriquement à l’abri de toute agression par les accords internationaux et de part la neutralité de son pavillon, a-t-il été torpillé par un U-Boot allemand, le 07 Mai 1915? Et pourquoi a-t-il coulé en moins de 20 minutes, occasionnant par là-même près de 1.200 victimes, alors qu’une unique torpille de faible intensité fut tirée?

Autant de questions auxquelles ce roman n’apportera pas de réponse définie mais laissera le lecteur seul juge de la théorie qui remportera son suffrage…

Si le naufrage, en Avril 1912, du paquebot transatlantique britannique de la White Star Line, le RMS Titanic, est connu de tous, il n’en est pas de même du naufrage du RMS Lusitania, un navire de même acabit mais lancé par la Cunard Line, compagnie maritime américaine, concurrente de la WSL, en Mai 1915.

Parce que les causes de l’infortune du premier, en temps de paix, sont clairement établies et reconnues alors que les raisons du drame du second, en temps de guerre, resteront à jamais une énigme et sujettes à supputations.

Ce roman nous entraîne dans l’avant (pendant un peu plus de la moitié de l’ouvrage), le pendant, l’après de cette tragédie. Si l’étiquette « roman » induit de la fiction, ce n’est que pour mieux donner corps à son récit qui est surtout une véritable analyse et enquête des événements historiques.

En effet, l’auteur est un historien de formation et un grand reporter. Il possède donc ce talent rare de nous captiver avec des faits avérés tout en nous questionnant par l’intermédiaire de personnages « vivants » et de leurs paroles.

Ce n’est pas une histoire écrite pour vous tirer des larmes, même si nous parlons du destin tragique d’un millier de morts, nous n’allons pas entrer dans l’intimité de certains passagers. C’est l’étude d’un drame dans un contexte géo-politique avant tout. C’est l’exploration des différentes thèses pouvant expliquer le dernier voyage fatal du Lusitania.

L’enquête est parfaitement documentée, avec des dates, des chiffres, des faits. Toutes les hypothèses sont abordées et justifiées, par l’intervention des personnages et des intentions qu’on leur prête. Mais ce n’est pas un roman parti-pris, ou légèrement, car le lecteur a tout loisir de se faire sa propre opinion et de verser pour telle ou telle thèse. Car à ce jour, il n’y a toujours aucune certitude sur les causes de ce naufrage, l’épave étant en trop mauvais état pour donner ses réponses.

Un petit bémol cependant:

L’absence de notes de bas de page ou d’une post-face adéquat, additionnée à l’étiquette « roman » m’ont laissée perplexe tout le long de ma lecture, ne cessant de me demander ce qui était de l’ordre historique ou fictionnel. Après une recherche additionnelle sur cet événement, je peux constater que tous les faits présents dans ce récit sont véridiques, en l’état des connaissances communément admises. Et je pense que l’étiquette « roman » était nécessaire dans la mesure où des personnages ayant réellement existé, comme Churchill, s’expriment mais ne sont pas officiellement cités.

Même si cette « maladresse » a gêné mon confort de lecture, le bilan est très positif! C’est une excellente enquête, passionnante et précise, sur un drame noyé dans la masse des victimes de la Première Guerre Mondiale.

Nous n’en connaîtrons jamais le fin mot. Comme tous les grands mystères historiques, nous en sommes réduits à de simples hypothèses et conjectures. Chaque scénario soulevé se tient ou se confronte à certaines aberrations, au mensonge et au silence humains.

Et vous, sauriez-vous expliquer le naufrage du Lusitania?

Vous avez 4 heures!

Citations…

« La politique est presque aussi excitante que la guerre, et beaucoup plus dangereuse. A la guerre, vous pouvez être tué une fois seulement, en politique plusieurs. »

« Vos plus virulents adversaires affirment que vous avez cent idées par jour… Une seule devrait suffire… à la condition qu’elle soit bonne! »

« Quand on veut gagner une bataille, on ne perd pas de temps à spéculer, on agit. »

Les guerres, pour insupportables qu’elles soient, ne devraient se faire qu’entre professionnels. Une pratique des siècles passés, de nos jours négligée. »

« Il y a des morts que, même par devoir, on porte sur la conscience jusqu’à son dernier souffle. »

« Son père lui avait enseigné que l’humilité ne permet pas de mener une carrière politique de longue durée et que la réussite passe souvent par un détournement de la vérité. »

Note: 4/5

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15 réflexions au sujet de « Lusitania – Claude Mossé »

  1. Je note parce que ça m’intéresse ce roman… je ne savais pas que le Lusitania avait presque eu autant de morts que le Ttitanic, mais bon, on a pas fait un film avec Dicarpaccio… Je me doutais bien qu’il y avait des soupçons, c’est un peu trop flagrant ce naufrage, trop important dans ses conséquences, mais bon, je ne crierai pas « au complot » sans en savoir plus. mais plus rien ne m’étonne tu sais 😉

  2. Eh bien pour un historien de formation, on dira que j’en ai croisé de plus talentueux… L’ouvrage est assez bien écrit, encore qu’il n’y ait rien de rare dans cette plume. Je n’en suis qu’aux premiers chapitres mais déjà je dois dire que je suis très très très agacé par toutes les monstrueuses erreurs historiques contenues dans ces premières pages. Nous verrons ce que vaut la suite mais l’auteur semble méconnaître totalement l’histoire de la transatlantique et même, plus ennuyeux, celle du paquebot dont il a fait son héros. On est ainsi heureux d’apprendre que le Lusitania était presque aussi rapide que le Titanic… Pour le moins en effet, vu que le jumeau du Lusitania, le RMS Mauretania, que M.Mossé ne sait même pas écrire (« Mauritania » pour Mauretania) a détenu le record de la traversée transatlantique de 1907 à 1929 sans interruption, le Lusitania occupant de 1907 à 1915 la 2ème marche du podium, la 3ème étant occupée à compter d’avril 1912 par le S/S France (premier du nom et seul 4 cheminées français, qui fit sa première traversée 5 jours après le naufrage du Titanic). On apprend encore que le Cpt Smith commandant le Titanic se vantait de décrocher le record de vitesse transatlantique lors de son voyage inaugural… Étant donné qu’il commandait jusque là l’Olympic, jumeau du Titanic entré en service l’année précédente, on a bien du mal à imaginer que Smith puisse ainsi ignorer la totale incapacité matérielle de son nouveau navire à seulement approcher les performances des lévriers de la Cunard (le Titanic pouvait atteindre les 23 nœuds quand le Mauretania et le Lusitania tutoyaient les 27 à 29 nœuds à pleine puissance); et quand on connaît un peu la personnalité de Smith, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on a du mal à se représenter la scène. Dans le même genre, imaginer William Turner, commandant du Lusitania buvant un coup dans un pub londonien crasseux avec un ancien soutier du bord, de la part du commandant des milliardaires, c’est à tout le moins extrêmement douteux et pétri aux bons sentiments quand les classes se mélangeaient encore bien moins qu’aujourd’hui. Mais pour ce que j’ai lu jusqu’ici, le pire réside dans le fait que l’auteur semble ignorer les fondements mêmes qui ont présidés à la construction des deux grands paquebots de la Cunard Line, Mauretania et Lusitania. L’idée d’armer des navires civils en cas de guerre n’est pas née en Allemagne davantage qu’en Angleterre. À ma connaissance, le Lusitania ne fut jamais armé réellement, mais il fut non pas modifié mais conçu dans ce but ! L’idée d’armer le Lusitania n’est pas sorti un beau jour de la tête de Churchill. On ne transforme pas comme ça un transatlantique en navire de guerre. Cela demande de très lourdes transformations structurelles. La réalité est tout autre. En 1903-1904, au moment d’entamer la construction de ses deux paquebots géants, qui étaient alors les plus grands du monde, la Cunard Line n’avait pas assez de liquidités. Elle s’est alors tournée vers la Couronne, pour qui reprendre le trophée du record de vitesse transatlantique aux Allemands étaient alors une question d’honneur. Mais pour participer au financement, l’Amirauté a posé ses conditions : les deux géants devraient pouvoir être rapidement et facilement transformés en croiseurs auxiliaires en cas de conflit. Ainsi, une partie des emménagements intérieurs de ces navires étaient amovibles et la coque conçue pour recevoir en ces emplacements spéciaux des batteries de canons. Cependant, devant le peu d’efficacité qu’avait montré la conversion d’autres navires civils en croiseurs auxiliaires et face à la valeur marchande des deux paquebots de la Cunard, le gouvernement britannique ne mît pas en application cette option. En revanche, elle réquisitionna le Mauretania pour en faire successivement un transport de troupes et un navire hôpital. Et c’est en vertu de ce même contrat datant des années 1903 ou 1904 que la Royal Navy réquisitionna le paquebot Queen Élisabeth 2 dans les années 1980 pour servir de transport de troupes durant la guerre des Malouines qui opposait l’Angleterre à l’Argentine. Bref… Voilà. Tout ça pour dire que l’ignorance dont fait preuve l’auteur gâche pas mal le plaisir de lecture pour qui connaît un peu l’histoire maritime (et il n’est pas illégitime d’imaginer que je ne suis pas le seul lecteur dans ce cas). Une faute d’autant moins excusable qu’en 2015 tous les renseignements utiles sont sur Wikipedia pour des sujets aussi connus. Regrettable. Je pratique peu le roman historique, mais il se confirme que tout le monde n’est pas Ken Follett…

    • Merci beaucoup pour toutes ces précisions! Cela doit être en effet très agaçant de constater ces erreurs et ces incohérences lorsqu’on a quelques connaissances dans le domaine! A fortiori lorsque les infos se trouvent facilement sur le net pour celui qui creuse un peu… Je ne retiendrais donc que le côté fictionnel de ce roman pour prêcher l’indulgence! Et je confirme, il n’y a pas deux Ken Follett! 😀

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