Blackout Baby – Michel Moatti

Michel Moatti - Blackout baby4ème de couv’

Londres 1942: profitant du couvre-feu, un tueur hante les rues de la ville.
En quelques jours, il assassine et mutile quatre femmes. Son modus operandi interpelle Scotland Yard et la presse, qui le surnomme aussitôt le Blackout Ripper.
Les messages qu’il laisse sur les scènes de crime, conçus comme des indices codés, imposent bientôt aux enquêteurs une piste inquiétante: le criminel semble s’inspirer des leçons du mage noir Aleister Crowley et de son manuscrit démoniaque, « Le Livre de la Loi ».
Insaisissable, le tueur caché dans l’ombre du Blitz décide de s’attaquer aux enfants de Londres – ceux qui doivent être évacués lors de l’opération « Joueur de flûtes ».
Mais il va trouver sur sa route une femme, Amelia Pritlowe, qui va faire de sa traque une affaire personnelle.
Une enquête inspirée de faits et de personnages réels.

Mon ressenti de lecture…

Tout d’abord, je remercie HC Editions et la Masse Critique de Babélio pour cette découverte du dernier roman de Michel Moatti: Blackout Baby.

Après un flashback audacieux aux côtés du célèbre Jack l’éventreur dans Retour à Whitechapel, nous retrouvons Amelia Pritlowe qui peine à exorciser les fantômes de l’assassinat de sa mère, Mary Jane Kelly, dernière victime identifiée du célèbre serial killer londonien.

Nous sommes quelques mois après la fin de sa traque, en Février 1942, Londres subit le blackout total, chaque nuit. Amelia, infirmière, passe ses jours et ses nuits à rafistoler tant bien que mal les corps abîmés, brûlés, déchiquetés. On pourrait penser que la guerre et son cortège d’horreurs sont le pire des maux que la capitale doit gérer coûte que coûte, mais des femmes sont mutilées et tuées, accompagnées dans la mort par d’étranges messages.

L’assassin est rapidement surnommé Blackout Ripper, en raison des similitudes avec son auguste prédécesseur, Jack the Ripper.

Scotland Yard est dépassé par ce tueur agissant dans l’ombre et par la pression exercée par les autorités qui refusent que la population soit détournée de son devoir patriotique et paralysée par la peur.

Si rien n’est fait, le tueur continuera son œuvre.

Dans l’obscurité et dans le sang.

Walter Dew, enquêteur malheureux des drames d’il y a 50 ans, voit dans cette enquête un moyen de redorer son blason et d’effacer son échec passé. Il a suivi l’enquête d’Amelia et la persuade de participer à ce nouveau mystère. Amelia n’est pas dupe des desseins du vieil homme mais ressent le besoin de mettre un terme à cette escalade sanglante.

Ce roman est fortement inspiré de faits réels et avérés. Et bien malin est celui qui arriverait à démêler la fiction des événements historiques! Et c’est ce que j’aime dans ce style de romans, c’est de se perdre naturellement dans les théories et extrapolations de l’auteur, les transposer à la réalité.

Autant nous connaissons tous Jack l’Eventreur, autant l’histoire de Gordon Cummins reste très très confidentielle voire ignorée.

Mince j’ai spoilé le nom du coupable?!? Non, rassurez-vous, on connaît dès le départ l’identité du tueur.

C’est d’ailleurs ce qui rend ce roman très angoissant: nous marchons dans les pas de l’assassin, nous pensons avec lui. Cette promiscuité avec cet individu instille une peur latente car il nous prouve qu’il est aisé de se fondre dans la masse pour traquer et approcher les victimes. Que la folie et la perversion ne sont pas inscrites sur les visages.

L’angoisse est exacerbée par les temps troublés de la seconde guerre mondiale et une description très détaillée et réaliste de ce que la capitale anglaise a vécue. L’ambiance est sombre, étouffante, rythmée par l’incertitude des lendemains et les tensions quotidiennes.

Amelia est le pont entre cette ville en guerre, préoccupée par le sort de ses enfants, de son avenir; et cette enquête dans laquelle elle jette toute son énergie. Loin d’être dans un rôle de super héroïne, ses fragilités titillent notre empathie pour partager son impuissance à empêcher qu’une nouvelle victime s’ajoute aux autres et sa volonté à poursuivre ses recherches.

Et, alors qu’Amelia est préoccupée par le côté inhumain, injuste et amoral de ces morts, Walter Dew, le professionnel, est noyé dans les chiffres, l’ego et la pression. J’ai aimé l’audace de cette femme à n’en faire qu’à sa tête, au péril de sa vie, parce que convaincue du bien fondé de sa démarche, face aux hésitations et incertitudes des hommes. Il y a un moment pour réfléchir, ergoter et un moment pour agir. Et c’est elle, seule, qui se mettra en travers du chemin de Gordon.

Si les agissements du serial killer sont le point central du roman, son mobile fait aussi l’objet d’une étude très intéressante par son mysticisme. Gordon suit les préceptes occultes du Livre de la Loi, écrit par un illuminé excentrique, à la vie dissolue mais qui a le talent de subjuguer quelques adeptes en mal de sensations ou à l’esprit faible ou déviant. Les dangers de certaines pratiques sont ainsi mises en avant pour tenter d’expliquer que, entre de mauvaises mains, certains délires mystiques sont de véritables armes de pouvoir et de destruction.

Cette lecture a été très agréable parce que l’auteur a su fondre la fiction et la réalité, a su distiller les éléments de ses recherches et documentation dans une histoire cohérente et glaçante, a su faire cohabiter avec talent l’atmosphère de la seconde guerre mondiale à l’horreur d’un meurtrier qui frappe à notre porte.

Je me demande maintenant, après Jack the Ripper et Blackout Ripper, quel éventreur anglais va devenir la cible de Michel Moatti?

Citations…

« Moi, je passe mes journées et mes nuits à en constater les effets! Je connais les plaies, les blessures, les mutilations, la destruction des âmes et des corps que cette guerre est déjà capable d’infliger. Et nous irions plus loin que ça? Nous voulons plus? »

« Malgré le désespoir, le vôtre, et celui de ce monde en perdition, la vie a le droit de gagner. Le grand professeur Bichat a écrit quelque part quelques lignes là-dessus… « La vie a pour fonction principale de contredire la mort », ou quelque chose de ce genre, je crois…
– « La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort », corrigea Amelia Pritlowe.
– Voilà… Exactement. »

« La situation pitoyable dans laquelle la guerre avait projeté le pays favorisait autant l’abnégation et le dévouement qu’elle durcissait les consciences et les cœurs. »

« Je sais à quel point le regret est douloureux, et je sais la force qu’il possède quand il vous mord chaque nuit, mois après mois, et tout au long des années. (…) Avant qu’il n’y ait plus que ça. »

« Rien n’est plus personnel que l’écriture, Amelia. Ce que vous écrivez n’appartient qu’à vous, et vous appartient aussi le droit de le partager ou non. »

« Le pays ne veut pas d’un salopard qui égorge et mutile des femmes en plein centre de Londres dans un uniforme de l’Air Force… »

« Elle savait tout: le plan de Cummins, le rituel absurde qu’il avait fabriqué. Mais elle ne savait rien tant qu’elle ignorait où il avait décidé de jouer la dernière scène. (…) La seule chose dont elle était sûre et qui la torturait comme un fer dans une plaie, c’était le temps qu’elle perdait, en ce moment même, à ne rien décider. »

« Une vague de bonheur s’enroula sur elle, la submergeant de ce sentiment immense qui nous souffle que tout ce qu’on a traversé n’était destiné qu’à nous mener à ce moment précis. Que nul autre chemin n’y conduisait. »

« La littérature ne prête pas seulement une oreille indulgente aux fantômes. Elle traduit leurs complaintes et habille les failles de leur histoire. »

Note: 4/5

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8 réflexions au sujet de « Blackout Baby – Michel Moatti »

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